Avis BD Glénat : Les grandes batailles navales : U-9 et Navarin
Comment ne pourrions-nous ne pas être ravis en ce mois de septembre ? En effet, la collection « Les grandes batailles navales » de l’éditeur s’enrichit de pas moins de deux nouveaux ouvrages : « U-9 » et « Navarin ». Le 10 septembre très exactement, ces deux bandes dessinées se sont retrouvées entre nos mains, « U9 » étant signée Jean-Yves Delitte, Philippe Adamov et Fabio Pezzi, et « Navarin » étant signée uniquement par Jean-Yves Delitte. Ce dernier, qui est on le rappelle peintre officiel de la Marine Royale de Belgique, ne chôme donc pas, et il est temps de vous parler de ces nouveautés. C’est parti !
Synopsis : Septembre 1914. La Première Guerre mondiale a embrasé le monde dans un triste jeu de domino. Sur mer, la marine impériale allemande tente de s’opposer à la marine anglaise, première puissance mondiale incontestée sur toutes les mers et les océans. Dans cette guerre maritime qui voit s’affronter de titanesques cuirassés, croiseurs de bataille ou encore croiseurs cuirassés, une arme dénote quelque peu : le torpilleur submersible que l’on nomme plus généralement « sous-marin ». L’arme n’est pas nouvelle, on en trouve la trace déjà dans des récits antiques, mais dans les premières heures du conflit mondial, le sous-marin – qu’il soit allemand, français ou anglais – demeure encore une machine imparfaite, malodorante, lente et faiblement armés. Que pourrait bien faire un submersible déplaçant quelques centaines de tonne contre un vaisseau de surface armé de puissants canons et dont le tonnage se compte en dizaine de milliers de tonnes ? L’ouvrage est à découvrir sur le site de l’éditeur, à cette adresse.
Commençons par notre découverte de « U-9 ». Avec cet album, la collection nous plonge au cœur de la Première Guerre mondiale, à une époque où le sous-marin était encore perçu comme une arme marginale, presque « honteuse ». Et pourtant, l’exploit du SM U-9, commandé par Otto Wediggen, allait bouleverser toutes les certitudes…Avec « U-9 », Jean-Yves Delitte et son équipe nous replongent dans les premières heures de la guerre sous-marine. Septembre 1914 : la Première Guerre mondiale vient à peine de commencer que les grandes puissances navales se jaugent. Cuirassés et croiseurs dominent encore l’imaginaire, et le sous-marin est vu comme une curiosité imparfaite, fragile, presque anecdotique. Pourtant, le 22 septembre, le SM U-9 va bouleverser cette vision : en moins d’une heure, trois croiseurs cuirassés britanniques sombrent, humiliant la Royal Navy et prouvant que la guerre navale changeait déjà de visage. Comme toujours dans la collection Les Grandes Batailles Navales, la force de l’album réside dans son sérieux historique. Néanmoins, les dialogues ne manquent pas d’humour (ça s’envoie de bonnes grosses vannes), ce qui rend les personnages encore plus humains.
Delitte connaît son sujet, et cela se sent. Les navires, les uniformes, les manœuvres : tout est minutieusement documenté, mais jamais au détriment de la tension dramatique. On ressent l’oppression des compartiments étroits du U-9, l’angoisse de l’équipage, la fragilité de cette nouvelle arme face aux géants de surface. Chaque camp nous est présentés, proposant deux points de vue intéressants. Le dessin, signé Philippe Adamov et Fabio Pezzi, accompagne l’histoire avec précision. Les mers grises, les silhouettes d’acier, la lourdeur des coques contrastent avec l’agilité inattendue du sous-marin. L’album prend parfois le temps d’expliquer, de poser son contexte, ce qui peut ralentir le rythme, mais c’est aussi ce qui donne sa profondeur au récit. On pourrait reprocher au format de ne pas permettre d’élargir davantage les points de vue, mais l’efficacité est au rendez-vous. On en ressort avec l’impression d’avoir assisté à un tournant historique majeur, porté par un récit tendu et respectueux des faits.
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Synopsis : Depuis la seconde partie du XVe siècle, la Grèce est sous domination ottomane, cette situation semble acceptée par de nombreux Grecs. Mais avec les premières années du XIXe siècle, un sentiment nationaliste voit progressivement le jour. On commence par brûler une effigie, un drapeau, avant de prendre les armes. En février 1821, la guerre finit par éclater. Les Grecs rêvent naturellement de victoire, mais face à eux, il y a un empire avec ses alliés. Les Grecs subissent une implacable répression qui se traduit par des massacres. Les puissances européennes refusent d’intervenir, le poids des alliances paralysent toute initiative et les affres des guerres napoléoniennes sont encore dans bien des esprits. Fort heureusement, les enjeux stratégiques, les appels à l’aide répétés et l’opinion publique finissent par convaincre les États à intervenir. L’ouvrage est à découvrir sur le site de l’éditeur, à cette adresse.
Après l’exploration sous-marine du U-9, nous voilà projetés à la surface des mers avec « Navarin ». Jean-Yves Delitte, en solo cette fois, s’attaque à un épisode marquant de l’Histoire : la célèbre bataille de Navarin, moment décisif de la guerre d’indépendance grecque. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’album frappe fort, autant par son souffle épique que par sa précision historique. On est immédiatement immergés par la mise en scène : Delitte a ce talent rare de faire ressentir le fracas des canons, la tension qui monte avant l’affrontement (et encore plus dans cet ouvrage), puis le chaos d’une bataille en pleine mer (avec la violence qui va avec). Les planches sont impressionnantes, on se perd presque dans les voiles, la fumée, les éclats de bois, mais c’est justement ce qui rend l’expérience si immersive. On ne lit pas seulement une bataille, on a presque l’impression d’y assister.
Au-delà du spectacle visuel, c’est aussi la dimension humaine qui nous a touchés. Derrière chaque navire, il y a des équipages, des destins, des vies brisées ou changées à jamais. L’album ne tombe jamais dans le piège d’une glorification naïve : il nous montre à quel point ces combats sont violents, destructeurs, et combien le prix payé est lourd. Comme pour notre avis précédent, on aurait aimé parfois s’attarder davantage sur les personnages ou sur les coulisses diplomatiques qui mènent à ce choc en mer. Mais c’est aussi ce rythme nerveux qui rend la lecture accessible et prenante. En refermant « Navarin », on a le sentiment d’avoir ressenti l’odeur de la poudre et le grondement des vagues. Une lecture à la fois instructive et accrocheuse, qui confirme une fois de plus que Delitte est un maître du récit naval. Notez que, comme toujours, un album historique complet est présente à la fin de chaque ouvrage.
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