Avis BD Glénat : L’Amourante et Ancolie

En ce mois de juin, les sorties sont nombreuses chez l’éditeur Glénat, qu’on parle de manga (avec l’édition Prestige de « Berserk ») ou de bande dessinée (coup de cœur notamment pour « Albertine a disparu« ). Dans notre article du jour, c’est de BD dont nous allons parler, et de deux ouvrages en particulier : « Ancolie », disponible depuis le 11 juin, et « L’Amourante », dont la sortie est calée au 18 juin (le jour où nous écrivons ces lignes). Nous avons eu la chance de pouvoir les découvrir, et il est temps de vous en parler. 


L'AmouranteSynopsis de L’Amourante : Paris, de nos jours. Zayn est dévasté : Louise l’a quitté brutalement alors qu’il commençait à avoir des sentiments pour elle. Lorsqu’il la supplie de lui donner une explication, elle se résout à lui raconter son histoire. Une histoire presque incroyable… Car Louise n’est pas une humaine ordinaire, c’est une « amourante » : tant que quelqu’un l’aime, elle ne peut pas vieillir ! Elle est née il y a plus de six siècles, en pleine guerre de Cent ans. Simple paysanne ayant grandi dans une ère de violence et d’injustice, elle aurait dû finir ses jours comme la plupart de ses contemporains : emportée par la guerre, la faim ou la maladie avant d’avoir atteint la quarantaine. Mais sa rencontre avec Dame Eleanor, une mystérieuse et séduisante voyageuse vieille d’un millier d’années, va lui apporter la révélation de son pouvoir et de sa terrible contrepartie…


L'Amourante


« L’Amourante », signée Pierre Alexandrine, est une bande dessinée qui nous a fait voyager. Dans différentes époques, plus précisément, car l’héroïne du récit, Louise, n’est pas une humaine comme les autres : elle est une amourante, et ne peut pas vieillir. Mais à une condition : qu’elle soit aimée. Née il y a plus de six siècles, en pleine guerre de Cent Ans, Louise n’a au départ pas conscience de son « pouvoir ». On découvre sa jeunesse auprès de sa sœur (leur séparation étant particulièrement touchante), et différents moments (pas toujours faciles) de sa vie. Mais ce sont des rencontres qui vont bouleverser sa vie, et en particulier celle de Dame Eleanor, qui est comme elle, une amourante. Cette dernière va lui expliquer son pouvoir, et lui apprendre comment faire pour être aimée des hommes, et ainsi ne pas vieillir. Mais Louise devra veiller à ne pas tomber amoureuse de son côté, car son vieillissement reprendrait de plus belle. Que devient l’amour quand il impacte l’idée même de vieillir ? Ce voyage entre les différentes époques est raconté par Louise elle-même, à un jeune homme amoureux qui lui demande pourquoi elle l’a soudainement quitté.

Sorte de Connor MacLeod des temps modernes, Louise doit son immortalité à l’amour que les hommes lui portent. Pas besoin de couper des têtes donc comme dans le film avec Christophe Lambert : ce sont les sentiments qu’elle reçoit qui empêchent Louise de vieillir. Mais manipuler les hommes pour les rejeter ensuite pose forcément des problèmes éthiques à Louise, qui finit inévitablement par s’attacher à certains. Chaque époque revisitée permet d’approfondir le prix de l’immortalité, et le propos, à la fois philosophique et romantique, interroge notre rapport à l’amour, au désir et à la fragilité humaine. L’histoire mêle romance, réflexion sur le temps qui passe et fantastique, avec des personnages bien écrits et des lieux variés. La notion de vieillissement est une obsession pour Louise, qui au final passe à côté des belles choses de la vie. Elle a néanmoins un certain recul sur la vie et sur le monde, après ces siècles passés.  Chaque époque est bien représentée et propose sa propre atmosphère, notamment visuelle. Louise a vécu de multiples vies, et on les découvre au fur et à mesure, avec quelques petites touches d’humour bien intégrées à la narration mais également un fil rouge lié à un homme éperdument amoureux d’elle et qui ne cesse de la « traquer » !

« Il n’y a pas de fin heureuse dans la vraie vie. L’univers est vide et indifférent. On naît, on grandit, on a quelques joies, on souffre, on est déçu. Le programme est le même pour tout le monde. Pour nous, les amourants, ça dure juste un peu plus longtemps ». 


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Ancolie extraitSynopsis de Ancolie : Ancolie est une sorcière de 27 ans. Le temps passe 13 fois plus lentement pour elle que pour les humains, alors voilà des siècles qu’elle se traîne de beuveries en aventures sans lendemain à des fêtes peuplées de vampires et de monstres, des rave partys chez les elfes et des afters dans des tavernes. Cette existence alcoolisée, trash et vide de sens est pourtant sur le point de s’arrêter car un événement décisif se prépare : le Congrès annuel du Conseil des sorcières ! Chaque année, les hauts faits des meilleures sorcières y sont récompensés. Sans surprise, Ancolie ne fait jamais partie du lot. Cette année, elle est même convoquée. Pour le Haut Conseil, c’en est trop des déboires d’Ancolie ! Si elle n’accomplit pas un haut fait, elle sera excommuniée et mourra. Ancolie n’avait pas prévu de mourir de sitôt. Qu’à cela ne tienne, elle décide de sauver le monde ! Mais dans une Société inégalitaire, capitaliste et sexiste, elle a du pain sur la planche.


Ancolie extrait


« J’ai l’air d’avoir 27 ans, mais je suis née en 1666 ». Ancolie est une sorcière, personnage atypique pour une bande dessinée qui l’est tout autant. Qu’on parle des visuels (et notamment des visages ou de la représentation des corps) ou de l’humour et des dialogues, l’ouvrage propose quelque chose de différent, de piquant, de cinglant… Ancolie est immortelle et n’en peut plus de ce monde qui ne s’est pas arrangé avec le temps, bien au contraire. Sa confrontation au cynisme du monde moderne capitaliste et sexiste la rend au final attachante, même si son comportement est loin (très loin même) d’être exemplaire. C’est d’ailleurs pour ça que le Haut Conseil des sorcières la convoque et lui demande de se remettre dans le droit chemin. Finie la débauche, l’alcool, les fêtes, les relations toxiques : Ancolie va carrément se mettre en tête de lancer un sort d’empathie pour « sauver le monde », et elle-même au passage.

Le ton de l’ouvrage est assez unique, souvent chaotique d’ailleurs. Salomé Lahoche porte un regard féministe sur la figure de la sorcière, symbole traditionnel de liberté et de marginalité. Ancolie ne cherche pas à réenchanter ce mythe : elle l’expose dans son absurdité mais surtout son pouvoir d’observation sur un monde en perdition. C’est parfois déstabilisant, en termes de dialogues et d’humour notamment. Le regard d’Ancolie sur notre monde et ses dérives est profondément désabusé (et on la comprend), et elle ne croit plus en rien. Humour noir et critique sociale forment le cocktail de l’ouvrage, qui fascine souvent, repousse parfois visuellement, mais aborde des thèmes sociétaux importants. On est parfois un peu dans le « cliché » en termes de dialogues, pour marquer le coup assurément (et peut-être remplir un cahier des charges ?), mais l’ensemble est clairement percutant.

« Quand je suis née, les gueux chiaient dans des seaux et mourraient de la peste bubonique. Aujourd’hui, ils fabriquent des fusées pour envoyer des robots sur Mars mais, dans le fond, rien n’a changé. Les humains ne pensent qu’à s’entretuer ». 


Lageekroom

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