Avis BD Grand Angle : Whisky (histoire complète)
Disponible le 28 mai prochain aux éditions Grand Angle, « Whisky » est une bande dessinée signée Bruno Duhamel (au scénario) et David Ratte (au dessin). Rien à voir avec « Whisky San« , du même éditeur (même si la boisson du même nom y est également présente), puisque notre récit nous embarque aux côtés d’Amir, jeune réfugié kurde, et de Théo, un vieux clochard qui n’a pas la langue dans sa poche. Leur vie et leur relation vont rapidement être chamboulées par… l’arrivée d’un petit chien. C’est parti pour notre avis !
Synopsis : Amir et Théo sont à la rue, liés par un pacte de survie. Une relation de maître à élève qui leur permet de tenir le coup. Mais le père Théo, c’est la vieille école, et sa conception de l’élève frôle parfois celle de l’esclave. Amir a beau être patient, il y a des limites à tout. Même pour un réfugié. Quand le vétéran s’entiche d’un chien tout droit sorti d’un salon de toilettage pour dames, Amir craque. Les chiens, il les déteste. Alors celui-là, hors de question de le garder. Surtout s’il y a une récompense…
C’est un duo presque improbable qu’on découvre dans « Whisky », histoire complète disponible aux éditions Grand Angle. Une relation décrite par le scénariste Bruno Duhamel comme étant « un mélange entre association de survie et relation maître-élève », avec toute l’ambiguïté qu’on peut y trouver. Théo est en effet un vieux clochard qui n’a pas la langue dans sa poche, et qui ne prend aucune pincette avec Amir, un jeune réfugié kurde qu’il appelle « l’arabe ». Ce dernier a fui son pays en guerre et tente de survivre aux côtés de Théo, dans la rue depuis bien plus longtemps et à la santé précaire. Ces deux-là sont en décalage, l’un avec l’autre mais également avec une société qu’on ne reconnaît plus, malheureusement miroir de ce qu’on vit actuellement. À travers des publicités posées çà et là dans les rues, on découvre tous les travers de notre époque que Bruno Duhamel pointe du doigt : le fait de posséder une belle montre pour afficher son succès, miser son argent dans des paris sportifs, faire un régime pour entrer dans les normes, vivre sa meilleure vie aux Seychelles. Forcément, le monde de la rue est en total contraste avec tout ça, en décalage avec ce qu’on nous vend comme étant la vraie vie.
En plus de ce message fort, l’auteur nous embarque dans une histoire assez rocambolesque, qui prend pour point de départ l’arrivée d’un petit chien perdu. Ce dernier est récupéré par Théo, rejeté par Amir (et on comprend tout à fait pourquoi via un flashback assez poignant), et c’est tout un tas de rebondissements qui s’enchaînent, entre course-poursuite avec la police et rixes avec de jeunes dealers (au langage « actuel »…). C’est aussi drôle que touchant, avec des répliques chocs et un humour qui fait souvent mouche. Visuellement, on se régale également, avec un contraste entre les couleurs marrons de la rue et les affiches des pubs qui veulent en mettre plein les yeux. C’est très réussi en termes de décor, et les personnages ne sont pas en reste. David Ratte n’a pas pour objectif de nous en mettre plein les yeux, mais de nous immerger dans un monde qu’on fait souvent semblant de ne pas voir. Survie, amitié, société qu’on peine à reconnaître : les thèmes abordés sont forts, rendant l’ouvrage plus profond qu’on aurait pu le croire. Une belle réussite.
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