Avis & critique BD : Picsou et les Bit-coincoins (éditions Glénat)
Et si Picsou se lançait dans la cryptomonnaie ? C’est le point de départ de notre bande dessinée du jour, signée Jul (au scénario) et Nicolas Keramidas (au dessin), disponible depuis le 8 octobre 2025 aux éditions Glénat. Plongé dans notre société ultra-connectée, faite de réseaux sociaux, de selfies, de crypto et d’influenceurs, le célèbre milliardaire à plumes va tout faire pour redevenir le canard le plus riche du monde ! Les codes classiques de l’univers de Picsou sont bien là (à commencer par son obsession pour l’argent), mais se voient modernisés avec une belle audace. C’est parti pour notre avis !
Synopsis : Cryptomonnaies, nouvelles technologies, réseaux sociaux : assis sur son tas d’or, Balthazar Picsou semble dépassé par son époque… Mais quand il apprend que le titre de « canard le plus riche du monde » lui est volé par le mystérieux Carsten, nouvelle fortune de la tech, son sang de canard ne fait qu’un tour. Épaulé par le génial Géo Trouvetou, et ses neveux devenus influenceurs, il se lance à corps perdu dans la modernité : monnaies virtuelles, followers et selfies façon « duckface ». Mais Carsten, épaulé par les Rapetou, parvient à siphonner les comptes de Picsou dans une perfide cyberattaque ! Picsou, ruiné au milieu de son coffre vide, saura-t-il rebondir et reconquérir son empire ? Le Festival des Canes et son tapis rouge vont peut-être lui offrir une seconde chance…
Avec « Picsou et les Bit-Coincoins« , Jul s’attaque à un sujet on ne peut plus moderne : la fièvre des cryptomonnaies, l’appât du gain virtuel, et la quête d’influence dans un monde où seuls les likes et la visibilité priment. Le scénariste, fidèle à son humour mordant, livre une satire sociale pleine d’esprit, où la cupidité légendaire de Picsou trouve un terrain de jeu parfait dans les excès de notre époque. C’est un plaisir de le voir tenter de comprendre le jargon de la finance 2.0 ou de se heurter à des influenceurs plus jeunes et (soi-disant) plus malins que lui. Jul s’amuse avec le langage, et cela se ressent à chaque page avec de nombreux jeux de mots ! Entre les détournements de marques ou les parodies de nos tics numériques, le texte fourmille de clins d’œil. On rit souvent, parfois jaune, tant l’ouvrage pointe du doigt nos contradictions : le besoin de reconnaissance, la peur de rater une opportunité, ou la quête de fortune facile. La vraie réussite de la BD, c’est la façon dont elle mêle modernité et tradition. On retrouve l’univers familier des aventures de Picsou, remis au goût du jour sans jamais tomber dans le cliché ou la « gênance » (ce qui est parfois le cas quand on aborde ce genre de thème) : Jul et Keramidas parviennent à parler d’économie numérique, de spéculation et de réseaux sociaux sans trahir l’esprit original. Le résultat est cohérent et plaira à tous les publics.
Autour de Picsou gravitent les habitués de Donaldville : Donald, Riri, Fifi et Loulou, mais aussi une galerie de nouveaux venus hauts en couleur, startuppers, influenceurs ou encore hackers. Picsou, lui, est toujours aussi désopilant : obstiné, égocentrique, mais toujours terriblement attachant. Ses maladresses face aux codes modernes font mouche, et certaines scènes fonctionnent très bien. Nicolas Keramidas livre un travail remarquable : son trait souple et dynamique modernise les personnages sans les dénaturer. Les expressions faciales sont d’une grande justesse, et la mise en scène très rythmée, avec des planches parfaitement lisibles. Les couleurs éclatantes servent parfaitement l’ambiance numérique et l’énergie débordante de l’histoire. On sent une vraie complicité entre le dessin et le scénario, chacun amplifiant l’humour de l’autre. Pour être tout à fait honnêtes, nous avions quelques craintes quant aux sujets abordés (pas toujours bien traités dans ce genre d’ouvrage, comme dit plus haut), mais elles se sont vite dissipées.
Lageekroom