Avis & critique manga : ODR – Tome 1 (éditions Kana)
Il y a des mangas qui parlent fort, et d’autres qui se taisent, mais qui disent tout par le silence. « ODR » fait partie de ceux-là. Dans un monde ravagé par la violence, une jeune fille sourde et muette croise la route d’un colosse marqué par le sang et la perte de sa famille. Deux êtres que tout oppose, sauf leurs blessures, vont apprendre à se reconstruire dans un univers aussi cruel que fascinant. Disponible depuis le 17 octobre dernier, le premier tome (sur deux) de « ODR » est entre nos mains, et il est temps de vous en parler.
Synopsis : Au 9e siècle après Jésus-Christ, dans les terres froides et reculées du nord de la Germanie, un illustre guerrier scandinave s’est retiré loin des conquêtes et des batailles sanglantes. Mais un drame impliquant une jeune fille du village voisin va le sortir de sa retraite, et réveiller ses fantômes. La quiétude de la forêt va alors laisser place au bruit et à la fureur.

Avec « ODR », les éditions Kana nous livrent un premier tome aussi violent que poétique, une œuvre qui frappe autant par sa brutalité que par sa sensibilité. Au cœur du récit, on découvre Syn, une jeune femme plongée dans le mutisme et la surdité, recluse dans un monde qu’elle observe plus qu’elle ne le comprend. Ce silence imposé fait toute sa singularité : il contraste avec la fureur du monde qui l’entoure, tout en révélant une force intérieure saisissante. Syn, malgré sa fragilité apparente, s’avère forte et déterminée. Sur sa route, elle croise un colosse vivant retiré dans la forêt, un géant au passé sanglant, hanté par ses souvenirs et ses cauchemars. Entre eux, le lien se tisse presque instantanément, comme deux âmes perdues qui se reconnaissent sans avoir besoin de mots. Ce duo improbable, à la fois père et fille de fortune, forme le cœur émotionnel de ce premier tome. L’arrivée des ennemis au village va alors faire basculer l’histoire dans la tragédie, ramenant la guerre, la mort et les démons du passé.

Ce qui impressionne, c’est la dureté du contexte : un monde impitoyable, régi par la loi du plus fort, où l’humanité semble s’être dissoute dans la boue et le sang. Par moments, « ODR » évoque God of War: Ragnarök, notamment à travers cet homme brisé, qui n’est pas sans rappeler un Kratos marqué par la perte et la culpabilité. Même si le manga ne cherche jamais à copier, on retrouve cette même intensité, ce mélange de rage et de tendresse contenu dans le regard de cet homme au gabarit imposant. Graphiquement, c’est souvent impressionnant. Les planches sont détaillées, jouant sur des contrastes saisissants entre la découverte de la nature et la violence des affrontements. Le découpage, souvent contemplatif, laisse respirer les émotions, jusqu’à ce que tout explose dans le chaos et le sang. On sent une vraie maîtrise visuelle, une envie de raconter autant par l’image que par les mots.
Seule la narration pêche un peu : certaines transitions manquent de fluidité, et on a parfois l’impression de perdre le fil entre deux scènes. Rien de dramatique, mais cela freine légèrement le rythme d’un récit pourtant très fort dans son ambiance et ses thématiques. Malgré cela, « ODR » s’impose comme un premier tome marquant, viscéral et émouvant, qui explore la douleur, la rédemption et le lien humain dans un monde bien sombre. Le manga de Maxime Truc et Loïc Cassou nous propose une beauté brute qui reste en tête une fois la dernière page tournée.
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