Avis BD Glénat : Kundan – Tomes 1 à 3, Le temps du sang, Crépuscule indien et La nuit éternelle
Disponible depuis le 29 janvier 2025, « Kundan » est une bande-dessinée scénarisée par Luana Vergari et dessinée par Emmanuel Civiello, et prévue en 3 tomes (avec des sorties prévues pour les mois de mai et de novembre pour les suites). Le mythe du vampire hérité de Bram Stoker se mêle au folklore indien dans un récit qui pose d’emblée ses enjeux et son ambiance. C’est parti pour notre avis !
– Mise à jour de l’article avec notre avis sur le tome 2, disponible le 14 mai 2025 –
– Mise à jour de l’article avec notre avis sur le tome 3, disponible le 15 octobre 2025 –
Synopsis : Inde. Durant le grand massacre qui opposa les prêtresses de la déesse Durga aux vampires, les créatures sanguinaires furent éradiquées. Mais un enfant échappa à la mort promise… 1910. Dans une ruelle de Londres, le corps d’un jeune garçon est retrouvé sans vie, apparemment vidé de son sang. Lord Benedict, qui dirige la brigade de nuit, a rarement vu une scène aussi terrifiante. Au même moment, il s’apprête à accueillir un nouvel agent au sein de son unité, un certain Kundan. Ce dernier aurait été mandaté par un proche du commissaire, Sir Oliver, pour l’épauler dans les affaires courantes… Lord Benedict aura bien besoin de renfort puisqu’une seconde victime est rapidement découverte. Le mode opératoire de l’assassin est toujours aussi atroce et curieusement, à chaque nouveau cas, Kundan n’est jamais loin. Ces crimes sordides commencent à inquiéter la population et bientôt les plus folles rumeurs se propagent… Serait-ce un tueur en série, un démon ou une sorcière ? L’ouvrage est à découvrir sur le site de l’éditeur, à cette adresse.

Le mythe du vampire a déjà été abordé à de très nombreuses reprises, qu’on parle de cinéma, de manga, de jeu vidéo ou encore de bande-dessinée. Mais cette fois-ci, notre histoire propose quelque chose de différent, et intègre un folklore indien qu’on découvre dès les premières pages de l’album et un prologue particulièrement sanglant. Un massacre, ni plus ni moins, durant lequel les prêtresses de la déesse Durga exterminent les vampires. Mais un enfant parvient à s’échapper, et se fait adopter par un couple de nobles britanniques. Notre récit se poursuit à Londres, au début des années 1900, dans une ambiance à la Jack l’Eventreur particulièrement saisissante. Lord Benedict, chef de la brigade de nuit, enquête sur différents meurtres (qu’on attribue autant à un tueur en série qu’à un démon ou une sorcière), accompagné de Kundan, notre vampire assoiffé de vengeance. Ce premier tome reprend les codes de Bram Stoker à la perfection, avec une ambiance sombre et gothique, et intègre des éléments de thriller, des tensions politiques et bien sûr une bonne dose de fantastique.

Kundan est un personnage intéressant, animé par une vengeance qui l’amènera de nouveau en Inde. C’est déjà accrocheur, très réussi en termes d’immersion, avec des visuels assez envoûtants. Le style réaliste proposé par Emmanuel Civiello fascine, notamment au niveau des regards, mais surtout à travers les décors. Les couleurs sont parfaitement maîtrisées, avec des séquences de nuit aux contrastes atténués et de nombreux détails (les séquences exotiques sont tout aussi réussies). On a souvent l’impression d’admirer des peintures, et on passe de longues minutes à scruter certaines illustrations avant même de lire les dialogues. L’ensemble est également rythmé, et l’intrigue avance vite (peut-être un peu trop ?), avec quelques rebondissements. Notez que l’ouvrage propose, dans sa première édition, un cahier graphique qui nous présente différents croquis, le travail réalisé sur les visages et quelques storyboards. Un bien joli bonus, qui conclut un premier tome réussi. On vous donne rendez-vous ici-même en mai prochain pour notre avis sur le deuxième tome !

Kundan – Tome 2 : Inde, début du XXe siècle. Logé au palais du maharajah, Kundan, sous les traits de Lord Benedict qu’il a assassiné, prépare sa vengeance avec l’aide des Thugs, qui s’insurgent contre la couronne britannique et le pouvoir du roi. Manipulateur et pervers, il fait bientôt la connaissance de la fille du roi, Mary, que le véritable Lord Benedict avait pour mission de protéger en cas de rébellion. Cette dernière, troublée par Kundan, tombe sous le charme du vampire, qui attend patiemment son heure. Personne ne se doute encore de la véritable nature de Kundan.
« Ici où tout a commencé, un nouveau lignage de vampires renaîtra de la terre… »
Bande dessinée prévue en 3 tomes, « Kundan » fait son retour aux éditions Glénat avec un tome 2 toujours aussi sublime mais qui avance peu en termes d’histoire. Clairement, ce nouveau volume pose ses pions mais s’avère davantage contemplatif, bénéficiant une nouvelle fois des superbes visuels d’Emmanuel Civiello. Mélanger le mythe vampirique victorien hérité de Bram Stoker et le folklore indien est une excellente idée, et cela fonctionne de belle manière. Les couleurs chaudes de l’Inde tranchent avec l’ambiance sombre de la nuit, et l’aspect réaliste des personnages (avec des visages et des regards toujours aussi réussis) nous immerge comme si on regardait un bon film de genre. Il y a de magnifiques illustrations, comme ce jardin au style londonien ou les plans de la ville, sans parler des séquences horrifiques plongées dans un rouge profond ou dans des flammes dont la chaleur brûlerait presque les pages. On en prend plein les yeux, et on en redemande.
Côté scénario, la narration reste plus en retrait, comme précisé au début de notre avis. Si l’intrigue principale progresse lentement, elle gagne en densité grâce à l’étoffement des personnages et à l’introduction de sous-intrigues bien amenées. Les motivations de chacun commencent à se dessiner avec plus de clarté, donnant une plus grand consistance à l’univers. On perçoit aussi une dimension politique intéressante, notamment avec les Thugs, qui cherchent à renverser l’ordre établi et à soumettre le Roi. Ce contexte de tensions et de manipulations ajoute une couche de lecture qui dépasse le simple récit de vengeance. Toutefois, le récit peine encore à pleinement décoller, comme s’il gardait ses meilleures cartes pour le dernier tome. Kundan, personnage énigmatique par excellence, continue d’agir dans l’ombre, et même si cela renforce le mystère, on aimerait parfois que ses enjeux soient plus explicitement posés. Cela dit, il ne reste plus qu’un tome à découvrir, et les éléments mis en place laissent espérer un final à la hauteur. L’ambiance est toujours aussi travaillée, sombre et oppressante, et il nous tarde de découvrir le troisième et dernier tome, annoncé pour octobre prochain. La série finira-t-elle en apothéose ? C’est tout ce qu’on espère !

Kundan – Tome 3 : Inde, début du XXe siècle. Logé au palais du maharajah, Kundan, qui a pris les traits de Lord Benedict, prépare sa vengeance contre la couronne britannique. Manipulateur et pervers, il séduit la fille du souverain, Mary, et la transforme en vampire, tout comme les Thugs dans la forêt qu’il soumet à son pouvoir. La maladie mystérieuse qui semble se répandre dans la population, ravivant sombres légendes et anciennes croyances, n’est autre que le Mal… Une puissante armée se lève, et rien ni personne ne semble pouvoir empêcher Kundan d’écraser ceux qui ont jadis détruit sa famille et sa lignée. Alors que l’ultime bataille approche, Kavi, la fidèle dame de compagnie de Mary qui se méfie de Kundan, se rend au temple de la déesse Durga. Ses prêtresses ont autrefois vaincu les créatures des ténèbres. Kavi serait-elle l’unique espoir de contrer le règne des vampires ?
« Nous allons reprendre la place qui nous appartient. Ici, où le sang des nôtres a coulé, et partout dans le monde entier »
Démarrée au tout début de l’année 2025, la série « Kundan » touche à sa fin avec « La nuit éternelle », troisième et dernier tome paru en octobre chez Glénat. Fidèle à la noirceur et à la tension qui habitaient les deux premiers volumes, ce final s’impose comme une apothéose sanglante. Dès les premières pages, on comprend que Kundan ne fera aucun compromis. Le vampire, tapi dans l’ombre depuis des années, tire enfin les ficelles qu’il avait patiemment tendues. Ce tome lève le voile sur une partie essentielle de son passé, notamment le meurtre de ses parents, dans une mise en scène particulièrement réussie. L’auteur orchestre tout cela avec un rythme soutenu : trahisons, affrontements, révélations… Chaque séquence renforce l’idée que tout, depuis le début, allait nous embarque jusqu’à ce déchaînement final. Si la série met en place un contexte géopolitique, avec alliances, manipulations et rivalités entre factions, le cœur du récit reste la vengeance de Kundan. L’aspect politique, esquissé plus que développé (et un poil décevant dans un sens), sert surtout de toile de fond à un récit centré sur la douleur et la haine du protagoniste.
Visuellement, c’est toujours aussi réussi. Certaines illustrations plongent le lecteur dans une obscurité quasi permanente, percée de tons rouges sang et d’éclairs de lumière qui soulignent la violence des affrontements, tandis que d’autres nous écrasent par leur chaleur. Chaque case semble tout droit sortie d’un film d’horreur gothique, et l’ensemble est très cinématographique. La mise en couleur renforce clairement l’immersion, soutient la tension dramatique et accentue le malaise, sans jamais tomber dans la surenchère visuelle. On sent la maîtrise d’Emmanuel Civiello qui sait marier beauté et brutalité et faire cohabiter les genres. Malgré un contexte politique un peu survolé et une fin expédiée, la série se referme sur une note forte, confirmant « Kundan » comme une œuvre à la croisée de la tragédie et du film d’horreur.
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