Avis BD Glénat : Les ennemis du peuple (récit complet)
Scénarisé par Emiliano Pagani et dessiné par Vincenzo Bizzarri, « Les ennemis du peuple » est un roman graphique qu’on nous annonce « authentique, plein d’émotion et d’humanité ». Disponible depuis le 2 mai 2024 aux éditions Glénat, l’ouvrage nous emmène en Italie à la rencontre d’hommes et de femmes menacés par la fermeture de leur usine. Mais ce ne sera pas le seul sujet abordé, et « Les ennemis du peuple » pioche ça et là dans des thèmes sociétaux qui vont forcément nous parler. C’est parti pour notre avis !
Synopsis : Quelque part en Italie, une usine va fermer. Depuis que la grève a débuté, les salariés se relaient dans le froid, les visages tendus devant les grilles fermées de l’usine. Des quartiers, des centaines de familles, des voisins… tout un monde se trouve menacé par le plan de délocalisation d’une multinationale. Parmi ces gens, il y a Hannibal, un vieux syndicaliste qui n’accepte pas la capitulation ; son fils Fabio, désabusé, pour qui plus rien n’a de sens ; Chiara, l’ex-petite amie de Fabio, désormais en couple avec un carabinier, qui travaille dans les services sociaux pour les migrants ; Mirco, l’ouvrier qui tente de parler de cette réalité à travers ses bandes dessinées de fantasy ; et quelques autres… Tandis que les médias se succèdent devant l’usine, le ton monte.
L’ambiance de « Les ennemis du peuple » est particulièrement tendue. A cause d’un plan de délocalisation d’une multinationale, l’usine dans laquelle travaillent de nombreux habitants du coin est menacée de fermeture. Les employés mènent une grève mais semblent en bout de course, incapables de se faire entendre par les grands patrons qui ne daignent même pas se montrer. Hannibal en fait partie, et sa famille est menacée par cette fermeture. L’homme est en colère et s’exprime avec des mots forts, souvent maladroits, et c’est son fils Fabio qui en fait les frais. Le jeune homme a quant à lui l’esprit occupé par Chiara, son ex-petite amie qui attend leur bébé. Elle s’est remise en couple avec un carabinier que Fabio n’hésite pas à traiter de facho. Chiara travaille de son côté dans les services sociaux censés accueillir prochainement plusieurs dizaines de migrants, mais des manifestants s’y opposent. Vous l’avez compris, le climat est fort mais surtout tendu, et on découvre tous ces personnages et leurs relations, bien souvent compliquées.
L’ouvrage aborde de nombreux thèmes, du racisme à l’immigration en passant par la lutte des classes, la délocalisation des usines, la séparation, l’attente d’un enfant… La narration intègre également des pages d’une bande-dessinée qui se passe dans un monde fantastique, créée par un des protagonistes du récit, qui tente de percer dans ce milieu (avec difficulté, faisant face à un éditeur qui impose ses volontés). Tout ceci est dense, clairement accrocheur, mais on s’y perd parfois, tant on passe d’un sujet à un autre assez rapidement. La fin arrive de façon un peu abrupte également, Fabio ayant un arc narratif à part, mettant en scène un projet de braquage. Certaines séquences censées appuyer sur les émotions passent donc un peu à côté (on a du mal à s’attacher aux personnages), mais l’ensemble reste intéressant à suivre grâce à une ambiance réussie et très cinématographique. Nous avons beaucoup apprécié le style visuel également, la puissance de certains échanges (notamment entre Hannibal et son fils), et l’insertion des pages de fantasy, grosse métaphore des événements réels. « Les ennemis du peuple » n’a peut-être pas réussi à nous toucher autant que voulu, mais le récit reste suffisamment fort et ancré dans notre réalité pour nous faire réfléchir.
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