Avis BD Glénat : Mary Bell, l’enfance meurtrière (histoire complète)
Il y a des lectures qui laissent des traces, et « Mary Bell, l’enfance meurtrière » en fait désormais partie. La bande-dessinée de Théa Rojzman (au scénario) et Vanessa Belardo (au dessin) revient sur l’histoire de Mary Bell, jeune fille de 11 ans condamnée à la prison à perpétuité pour le meurtre de Martin Brown, 4 ans, et de Brian Howe, 3 ans. Vingt-sept ans plus tard, la journaliste Gitta Sereny décide d’interroger Mary Bell, qui vient d’être libérée (et qui est mère d’une petite fille), afin de découvrir la vérité. C’est ce que l’on découvre dans notre ouvrage du jour, à ne pas mettre entre toutes les mains. C’est parti pour notre avis !
Synopsis : Dans les histoires policières, il y a le qui, le comment et le pourquoi d’un crime. Gitta Sereny, journaliste spécialisée dans les enquêtes sur les racines du mal au sein des rangs nazis, aborde le cas Mary Bell par cette dernière question. Mary Bell est cette petite fille de 10 ans, qualifiée de psychopathe par la presse, et condamnée à la prison à perpétuité pour le meurtre de Martin Brown, 4 ans et de Brian Howe, 3 ans, par étranglement. Le procès est expéditif et personne n’interroge alors les raisons de ces actes monstrueux qui font scandale dans la Grande Bretagne en 1968. Gitta est bouleversée par ce qu’elle découvre …Vingt-sept ans après les faits, décidée à comprendre ce drame, elle demande à Mary Bell, finalement libérée et mère d’une petite fille, de révéler toute sa vérité.
La journaliste Gitta Sereny veut comprendre. Comprendre ce qui s’est passé dans la tête de Mary Bell ce jour-là, comprendre ce qu’elle a vécu dans son enfance et qui aurait pu l’amener à de tels actes… Sans jamais prendre position, Théa Rojzman nous raconte l’histoire de cette jeune fille devenue meurtrière. Sans lui trouver d’excuses, car ses actes sont bien réels et condamnables, l’auteur (et nous avec, aux côtés de la journaliste) revient sur l’enfance de Mary Bell, la violence de sa mère et la misère sociale dans laquelle elle était plongée. Une plongée, justement, dans ses souvenirs, qui la fait souffrir et nous avec. Clairement, l’ensemble n’est pas à mettre entre toutes les mains, et certains textes explicites font froid dans le dos. Encore une fois, il n’est pas question ici de trouver des excuses pour justifier les meurtres, bien réels, mais de comprendre ce qui a pu amener à ça et entrer dans la psyché de Mary Bell, pour éviter que d’autres cas se produisent. Le concept de « comprendre n’est pas excuser » est parfaitement amené et développé, et permettra peut-être d’agir face à ce genre de violence. Mary Bell reste coupable, son procès a été expédié, mais Gitta Sereny veut comprendre comment une jeune fille a pu devenir un tel monstre, et s’il est encore possible, après 27 années de prison, de lui donner une nouvelle chance. Le mal était-il déjà en elle, ou a-t-il grandi à cause de ce qu’elle a subi ?
Le récit est intense, prenant, choquant parfois, et on plonge littéralement (et visuellement) dans les souvenirs de Mary Bell. Elle se dévoile petit à petit, et on découvre en détail les faits, des meurtres (avec des détails sordides) à son placement en établissement spécialisé parce qu’elle était trop jeune pour aller directement en prison. Certaines rencontres lui ont été bénéfiques, d’autres non, mais ses souvenirs sont parfois altérés, voire enjolivés, sans doute pour moins souffrir psychologiquement. Le travail de Gitta Sereny, qui prend le temps de l’écouter sans la brusquer, est très intéressant, et on ressent souvent de la compassion pour Mary Bell. Oui, c’est parfois difficile à lire, et différentes émotions se percutent tout au long de la lecture. Vanessa Belardo nous offre une très belle mise en scène, notamment à travers les souvenirs de Mary Bell aux couleurs bien choisies et aux dessins dérangeants, accentuant la lourdeur de l’ambiance. Cerise sur le gâteau, on peut trouver à la fin de l’ouvrage une interview de Vanessa Belardo et de Théa Rojzman, avec plein d’infos passionnantes sur les partis pris d’écriture et la difficulté de proposer une telle histoire. De quoi terminer la lecture en beauté, façon de parler.
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