Avis BD Glénat : Sangoma, les Damnés de Cape Town
« Enquête policière sur fond de climat social brulant, Sangoma, les damnés de Cape Town, est un récit sous tension où la violence d’un crime souligne les angoisses d’un pays captif de son passé ». Cette phrase est tirée du site de l’éditeur Glénat, et nous met dans le bain en ce qui concerne notre bande-dessinée du jour. « Sangoma, les Damnés de Cape Town » est un ouvrage signé Caryl Férey (scénario) et Corentin Rouge (dessin), qui nous embarque en Afrique du Sud une vingtaine d’années après l’apartheid, dans un climat on ne peut plus tendu. Tensions politiques, meurtres, trahisons, magouilles et bien entendu racisme sont au cœur de ce récit passionnant, que nous avons eu la chance de recevoir avec un peu d’avance afin de vous en parler. C’est parti !
Synopsis : En Afrique du Sud, une vingtaine d’années après l’Apartheid, les cicatrices laissées par l’ancien système peinent à se refermer. Le racisme n’est plus institutionalisé mais les inégalités toujours présentes et la population divisée entre les propriétaires blancs et les ouvriers noirs. Dans ce contexte, Sam est retrouvé mort sur les terres de la ferme des Pienaar, ses employeurs. Le lieutenant Shepperd – esprit léger, avisé autant que séducteur et tête brûlée – est chargé de saisir les enjeux qui auront mené au drame. L’enquête s’alourdit bientôt d’éléments disparates : conflits et secrets familiaux, recours à la sorcellerie, disparition d’un bambin dans le voisinage… Tandis que Shane Shepperd lutte tant bien que mal contre les silences et les mensonges de ses interlocuteurs, en toile de fond, le parlement est le théâtre d’oppositions rongeant la nation sud-africaine… La réforme agraire visant à redistribuer les terres usurpées du temps de l’apartheid provoque les débats et souligne les tensions des partis radicaux. Bientôt, les deux camps en appelleront à la violence. L’ouvrage est à découvrir sur le site de l’éditeur, à cette adresse.
« Sangoma, les Damnés de Cape Town » est un ouvrage dense, qui nous propose une intrigue politique mais également policière. Après une introduction rapide nous rappelant les horreur de l’apartheid via un pauvre esclave traqué par des blancs et leurs chiens, notre histoire fait un bond de 25 ans en avant. Nous retrouvons certains personnages aperçus durant les premières pages, et découvrons que bien que les choses aient légèrement évoluées, c’est encore bien insuffisant. Les noirs se tuent à la tâche pour un salaire de misère, et la tension est à son comble. Néanmoins, les choses bougent au parlement et des compromis doivent être mis en place, avec une redistribution des terres usurpées au temps de l’apartheid. Sur le papier, la réforme devrait arranger les choses, mais les chiffres affichent une tout autre réalité : les blancs représentent moins de dix pour cent de la population mais ils accaparent toujours les trois quarts des terres du pays. Une inégalité qui entraîne des actes de terrorisme, et lorsque que l’on voit que même les parlementaires se mettent sur la tronche, on se demande comment le contexte va pouvoir s’arranger. En plus de cet aspect politique bien détaillé, l’ouvrage nous embarque dans une enquête policière. Vol de bébé, meurtre, « rituels » et croyances bien glauques pour se soigner des maladies : l’immersion est immédiate et la tension est souvent à son comble. On se laisse facilement embarquer aux côtés du lieutenant Shepperd, un beau parleur néanmoins sérieux dans son travail, et qui sait faire la part des choses pour ne pas tomber dans la discrimination raciale. Les personnages sont nombreux, et le récit vraiment dense, suivant différents points de vue (un politicien noir et sa fille qui couche avec son rival blanc, ou encore toutes les personnes qui vont rapidement se retrouver liées à l’affaire de meurtre). Notre lieutenant va s’enfoncer de plus en plus dans les quartiers dangereux, dans lesquels règnent une certaine violence et une colère que l’on peut comprendre.
Les auteurs parviennent à détailler l’ensemble sans tomber dans les clichés et en évitant tout manichéisme. Oubliez par contre le politiquement correct, le contexte ne s’y prêtant clairement pas. Violences, insultes, attaques racistes, l’ensemble se veut réaliste. C’est également le cas des visuels, souvent superbes. Le côté réaliste des visages fait mouche, et on a souvent l’impression de visionner un film. Les décors sont également sublimes, bénéficient de grandes illustrations, et les détails sont nombreux. On ressent le côté poisseux de certains lieux (le choix des couleurs y est aussi pour beaucoup), et les scènes d’action ne sont pas en reste. La qualité globale est au rendez-vous ! Le duo Caryl Férey / Corentin Rouge fait des merveilles, et nous avons dévoré l’ouvrage d’une traite, passant par différentes émotions.
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« Sangoma, les Damnés de Cape Town » mélange les genres, et nous embarque dans un contexte politique délicat en pleine enquête policière. Les thèmes abordés le sont intelligemment, sans tomber dans le manichéisme, et tout le monde est traité à la même enseigne. Des pourris, il y en a dans chaque camp, et de nombreuses trahisons seront de la partie. On ne peut que vous conseiller de découvrir cet excellent ouvrage (à réserver à un public averti), qui sera disponible le 3 novembre aux éditions Glénat !
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