Avis BD Glénat : Talion – Tomes 1 et 2
Avec « Talion », l’auteur Sylvain Ferret a de l’ambition. Trilogie à l’ambiance « cyberpunk gothique », la série vient tout juste de voir son deuxième tome paraître, et nous nous sommes pour l’occasion plongés dans cet univers sombre mais qui reflète parfaitement notre société actuelle. Les enjeux sont politiques, économiques, écologiques, mais surtout profondément humains, ce qui nous rappelle forcément quelque chose ! « Talion » n’est-il qu’un récit d’anticipation de plus, ou propose-t-il quelque chose de nouveau ? C’est ce que nous allons voir.
Synopsis : Le monde vit son dernier effondrement écologique. La Vermine s’insinue partout, dans la chair et la terre, dans le sang et dans l’air. La cité de ForenHaye, dernier bastion humain du royaume de Talion, lutte péniblement contre la violence de cette maladie du vivant. Et tandis qu’au-dessus du nuage de pollution, à la cime de la citadelle, les nobles survivent grâce à l’eau dépolluée, dans les bas-fonds des quartiers Racines, les plus démunis peinent à s’approvisionner en eau potable, jusqu’à en perdre l’esprit. Fille privilégiée des régentes des Racines, Billie, intrépide, aide les laissés-pour-compte en détournant les ressources réservées à une noblesse décadente qui attend impatiemment la mort de son roi Sirius Talion, monarque éteint d’une dynastie frappée d’infamie. Dans le même temps, Tadeus, un vagabond mystérieux, arpente continuellement les ruines souterraines de l’ancienne cité, menant des expériences pour la création d’un remède au mal qui ronge l’environnement. La rencontre de ces deux âmes complexes, de l’espoir et de la culpabilité, va peut-être permettre de réouvrir le dialogue avec une nature à l’agonie. L’ouvrage est à découvrir sur le site de l’éditeur, à cette adresse.
Abordons, une fois n’est pas coutume, l’aspect visuel de l’ouvrage dans un premier temps. Les graphismes de « Talion » sont vraiment superbes, souvent grandioses, et très immersifs. Les décors impressionnent par la maîtrise de leur verticalité, proposant des couleurs souvent sombres mais parfaitement lisibles. L’univers post-apocalyptique présenté est menaçant, et souffre encore des événements passés. L’effondrement écologique, lié à la Vermine, semble irréversible, malgré la volonté de survivre des humains. On retrouve l’habituel séparation entre les riches (en haut) et les pauvres (en bas), séparés par un nuage de pollution. L’eau se fait rare, les enfants souffrent, et Sirius Talion, qui a succédé au roi, a échoué à sauver ce monde en perdition. Pire, la Vermine s’est propagée dans l’eau à cause de son frère Dante et d’une expérience ratée… Le ton est grave, parfois sinistre même (avec un côté horrifique), et on peine à dénicher un soupçon d’espoir dans ce monde à l’agonie. Billie, fille de deux duchesses, régentes de la royauté en place, sera-t-elle celle qui changera le destin ? « Talion » est une œuvre très cinématographique, de l’ambiance qui se dégage des illustrations au découpage. Parfois aérée, la mise en scène sait également être plus dense, mais aussi plus dynamique, avec une succession de cases de petite taille, qui font avancer l’action avec plus de rythme.
En termes de personnages, c’est un peu chargé, principalement dans le premier tome, qui pose les bases, les différentes intrigues et les enjeux. Il faut avouer que l’on peine parfois à bien comprendre qui est qui et qui fait quoi, l’ensemble étant très riche. On se perd donc parfois dans une narration qui aurait mérité un peu plus de simplicité (il y a plusieurs arcs narratifs en même temps), même si le tome 2 corrige un peu cet aspect. Forcément, on connait déjà une partie des personnages et les événements peuvent s’enchaîner avec davantage de fluidité. Un tome 2 qui ne lésine d’ailleurs pas sur les révélations, et on comprend mieux les actions de certains mystérieux personnages. Les thèmes sont forts, comme nous le disions précédemment, liés à la lutte des classes, à l’esclavagisme, à la technologie et la médecine, mais surtout à l’écologie et la survie de l’humanité. Oui, « Talion » peut être considéré comme un miroir de notre société (en bien plus tragique évidemment), et certains événements font réfléchir. L’œuvre de Sylvain Ferret sait quoi qu’il en soit mettre en image, et de bien belle manière, cette société en perdition, dont les dirigeants n’ont que faire des citoyens.
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Le premier tome de « Talion » est difficile à appréhender, il faut l’avouer. Les enjeux qui se mettent en place sont complexes et les personnages nombreux, ce qui pourra sortir certaines lectrices ou certains lecteurs du récit. Mais il faut s’accrocher (un long résumé du premier tome est présent au début du deuxième, aidant beaucoup à la compréhension), car l’ensemble devient plus fluide dans le deuxième tome, qui se permet même quelques révélations intéressantes. Les thèmes abordés sont puissants et d’actualité, et les visuels sont absolument magnifiques. Techniquement et en termes de mise en scène, il n’y a rien dire, et on a l’impression d’être immergé dans un film d’anticipation ou un jeu vidéo. Le prochain tome sera le dernier, et nous avons hâte de découvrir la fin de l’histoire et le destin de notre héroïne !
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