Avis Manga Crunchyroll : Adieu Eri, de Tatsuki Fujimoto
Tatsuki Fujimoto est un mangaka surprenant. Si l’auteur s’est récemment fait remarquer avec « Chainsaw Man », il a également su nous toucher avec des ouvrages très différents et plus intimistes, à commencer par l’excellent one-shot « Look Back« , une œuvre atypique, belle et touchante. Nous avons néanmoins conscience que le style du mangaka divise, que l’on parle de ses visuels ou encore de sa narration, très cinématographique. Notre ouvrage du jour nous parle justement de cinéma, et nous avons eu la chance de le recevoir afin de vous en parler. « Adieu Eri » est disponible depuis le 18 janvier 2023, et nous allons voir si ce one-shot a réussi à nous toucher.
Synopsis : «Je veux que tu me filmes jusqu’à ma mort.» Yûta, adolescent mordu de cinéma, accomplit cette dernière volonté de sa mère avec un brio… explosif. Dépité par la réception de son court-métrage, il s’apprête à en finir à son tour. Lorsqu’il rencontre Eri. Cinéphile, comme lui, la mystérieuse jeune fille va inspirer Yûta et l’aider à réaliser un nouveau film… Après Look Back, Tatsuki Fujimoto revient explorer la frontière floue entre le réel et la fiction, pour livrer, dans ce troublant court-métrage dessiné, une vibrante déclaration d’amour au septième art.
« Adieu maman ! »
« Adieu Eri » est un manga qui laisse sur une drôle de sensation. Mélange de tristesse et de nostalgie, l’ouvrage aborde des thèmes forts liés à la mort, au deuil, à l’attachement, et à l’empreinte que l’on laisse avant de quitter ce monde. On y découvre Yûta, un adolescent mordu de cinéma qui reçoit, pour son anniversaire, un smartphone de la part de ses parents. Ce jour là, sa mère a une demande toute particulière : « à partir de maintenant, j’aimerais que tu fasses des vidéos de moi. Grâce à elles, tu pourras toujours me revoir bouger, ou réentendre ma voix. Et même quand je ne serai plus là, tu ne m’oublieras pas ». Vous l’avez compris, la mère de Yûta est malade, et ce film relatera ses derniers instants. Des moments de joie, mais également de souffrance, jusqu’à des dernières minutes durant lesquelles Yûta ne sera pas présent. Son film, Dead Explosion Mother (vous comprendrez pourquoi il l’a nommé ainsi) est très mal reçu lors de sa présentation à la fête du lycée. Les critiques sont dures, cinglantes, et Yûta songe à se jeter du haut du toit de l’hôpital de la ville. C’est alors qu’il rencontre Eri, qui a, contrairement aux autres élèves, adoré son film. Elle va l’embarquer avec elle dans son « antre » pour visionner de nombreux films, et lui demander d’en réaliser un nouveau qui touchera tout le monde !
L’ambiance de « Adieu Eri » est très particulière, parfois sombre mais également touchante. Yûta est un adolescent marqué par les événements mais surtout par la demande de sa mère. On en découvre d’ailleurs davantage sur elle durant la lecture, mais nous ne vous en dirons pas plus pour ne rien vous spoiler. Eri s’avère quant à elle mystérieuse, et on se demande parfois si elle n’est pas là pour tourmenter Yûta. Surtout lorsqu’elle va, à son tour, lui faire une demande très particulière. Le manga de Tatsuki Fujimoto nous questionne sur la frontière entre le réel et la fiction, notamment avec l’usage du smartphone et son usage quasi permanent. Vivre certains moments de vie à travers ce genre d’appareil affecte forcément notre ressenti, et la différence entre vivre à 100% un moment présent ou visionner quelques temps plus tard la vidéo de ce moment est bien réelle. Et puis le portrait de la personne filmée reflète-t-il réellement ce qu’elle est ? On se questionne également sur la vie, le passage à l’âge adulte, et le deuil. Comment tourner la page lorsqu’on perd un être cher ? En y apportant cette touche de « fantaisie » présente à la fin du film de Yûta, qui permet de se débarrasser d’une vérité trop dure à supporter ? On peut trouver ça inapproprié, mais au final, c’est l’auteur qui décide de la finalité de son œuvre.
Tatsuki Fujimoto sait mettre ses récit en scène, et on retrouve une nouvelle fois sa patte dans « Adieu Eri ». Le découpage est très réussi, nous laisse le temps de nous poser, de nous repérer dans l’espace. C’est souvent contemplatif, mais jamais ennuyeux, avec des dialogues parfois en hors-champ et l’usage du smartphone représenté par des traits plus flous. C’est très immersif et souvent malin en termes de cadrage. Une mise en scène réussie sait faire passer des émotions ou encore désorienter lors de la lecture, et ça fonctionne très bien ici ! Une nouvelle fois, son coup de crayon divisera, notamment au niveau des visages. C’est une question d’habitude, et une fois pris dans le récit, on n’y fait plus attention. « Adieu Eri » est au final un one-shot assez captivant, triste voire même troublant, qui a su nous embarquer et nous toucher. Décidemment, Tatsuki Fujimoto a plus d’une corde à son arc !
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