Test & Avis : Luto – Un jeu d’horreur psychologique glaçant, entre narration atypique et immersion totale
« Les héritiers de Silent Hills P.T » : c’est le nom qu’on donne, sur le blog, aux jeux arrivés après la démo P.T. (pour playable teaser) de Kojima, qui précédait ce qui aurait dû être un jeu complet horrifique réalisé en duo avec Guillermo Del Toro. Le divorce entre Kojima et Konami a laissé sur le carreau ce projet prometteur, impossible à découvrir aujourd’hui à moins de l’avoir téléchargé à l’époque sur sa PS4. Tout ça pour dire que cette démo a donné des idées à de nombreux développeurs, et que des titres plus ou moins bons ont vu le jour dans les mois/années qui ont suivi. Notre titre du jour fait partie de cette famille de jeux d’horreur psychologique, et nous avons eu la chance de le recevoir de la part de son éditeur. C’est parti pour notre test.
Luto a été annoncé il y a 4 ans déjà. Depuis, nous avons découvert des titres comme Layers of Fear, Visage, MADiSON ou encore Martha is Dead. On ne citera que les bons élèves, mais sachez que certains ont profité de l’engouement pour nous proposer de bons gros nanars. Luto est donc un jeu d’horreur psychologique, c’est en tout cas ce que laissait présager sa très bonne démo sortie il y a quelques mois. Des couloirs flippants, des scripts et des jumpscares efficaces, des énigmes bien fichues et une ambiance ultra réussie : cette démo avait su nous donner envie de découvrir le jeu ! Mais nous n’étions clairement pas prêts ! Car si Luto reprend les codes du genre (ambiance pesante, énigmes, décors qui se jouent du joueur pour le désorienter), le jeu de Broken Bird Games va plus loin et propose pas mal de surprises. Nous allons tenter de vous expliquer pourquoi, sans trop vous en dire et sans aucun spoiler.
Dans Luto, notre personnage est incapable de quitter son domicile. Un pitch basique, pour une aventure qui est loin de l’être et qui réserve pas mal de surprises. Le jeu, via sa mise en scène ingénieuse, offre une expérience bien plus originale que dans la plupart des titres du genre. Si Luto désoriente le joueur, joue avec ses sens et propose une ambiance aussi glaçante que son sound design, il se la joue également « The Stanley Parable » voire même « Doki Doki Literature Club! » avec un narrateur et d’autres éléments qui brisent littéralement le quatrième mur. C’est couillu, et il faut être honnête, ça peut par moment faire sortir un peu du jeu. Le narrateur notamment, au début du jeu, casse un peu la solitude ressentie par notre personnage (et nous-même) et rend le jeu moins flippant. Mais la narration change après quelques chapitres, et rassurez-vous, les frissons sont bel et bien au rendez-vous. Pire même, certaines séquences sont glaçantes, avec ces formes planquées sous des draps tels des fantômes, qui peuvent même foncer sur vous.
Le jeu est divisé en chapitres (avec des journées qui s’enchaînent), et on le répète, la mise en scène et la narration surprennent. On ne sait plus sur quel pied danser, piégé entre réalité et rêve, mais surtout cauchemar. On sent que les développeurs aiment l’horreur, et ont mis les petits plats dans les grands en termes d’ambiance. Mieux, il y a de nombreuses références, au cinéma notamment, et il est même possible de visionner, sur une bonne vieille télé cathodique, La Nuit des morts-vivants de Georges Romero. Nous avons regardé plus de 20 minutes du film ! Notez que le jeu n’est pas à mettre entre toutes les mains, et qu’il aborde des thèmes liés à la solitude, au deuil, au suicide… Que de joyeusetés en somme. Côté énigmes, c’est bien fichu, et il faudra avoir l’œil pour ne rien louper. L’une d’elles, sans être particulièrement difficile, demande une certaine concentration (il s’agit de trouver le bon numéro de téléphone) pour ne pas tourner bêtement en rond. D’autres misent sur votre orientation, sur vos sens, et s’avèrent plus viscérales.
On terminera avec un mot sur la partie technique. Commençons par un élément qui fâche (et on pèse nos mots) : le jeu a crashé à de multiples reprises, avec retour interface à la clé. Entre deux chapitres ou en pleine partie (ou même directement au lancement du jeu), il nous est arrivé, à au moins dix reprises, de devoir relancer le jeu suite à ce genre de plantage (notez que la version Xbox a carrément été repoussée au dernier moment par l’éditeur à cause de soucis techniques). C’est ultra relou et ça brise surtout l’immersion, car il faut un peu de temps pour se remettre dans l’ambiance avec ce genre d’aléa qui donnerait presque envie de tout lâcher. Ce souci mis à part, le jeu est très beau (souvent photoréaliste), avec des effets de lumière très réussis et des bandes noires qui donnent un aspect cinéma qui fonctionne bien. Les musiques d’ambiance et le sound design sont excellents, et le jeu est une pure merveille au casque. Côté durée de vie, nous avons mis 7 heures pour terminer le jeu, en tournant en rond une bonne demi-heure à cause d’un détail.
Clairement, Luto se place parmi les meilleures expériences du genre, mais à une condition : entrer dans les délires (et les excellentes idées) des développeurs, avec un jeu qui pulvérise le quatrième mur. Cela renforcera l’immersion pour certains mais la brisera pour d’autres, et nous avons conscience que ces partis pris diviseront. De notre côté, après la surprise inhérente à ce genre de proposition, nous avons kiffé la narration. Et surtout, Luto est très beau, bénéficie d’un superbe sound design, et procure de véritables frissons. Nous attendions le jeu avec impatience, et nous n’avons pas été déçus. Entre surprises et frissons, Luto fait partie, à nos yeux, des meilleurs titres du genre. Et si, au fond, le plus terrifiant n’était pas ce qu’on voit… mais ce qu’on ressent ?
Les +
- ambiance sonore et visuelle ultra maîtrisée
- narration originale qui casse le 4e mur
- références intelligentes au cinéma et à d’autres œuvres cultes
- des séquences vraiment glaçantes
- énigmes bien pensées et immersives
- des visuels souvent photoréaliste
- une vraie proposition artistique qui tente des choses
Les –
- des crashs qui cassent l’immersion
- narrateur au début qui atténue un peu la tension horrifique
- certains passages peuvent dérouter les joueurs moins habitués aux jeux « expérimentaux »
- thématiques très sombres, à ne pas mettre entre toutes les mains (deuil, suicide…)
Lageekroom