Avis BD Glénat : Visages – Ceux que nous sommes – Tomes 1 à 4 (récit terminé)
Disponible depuis le 11 janvier 2023, la bande-dessinée « Visages – Ceux que nous sommes » est signée Nathalie Ponsard-Gutknecht et Miceal Beausang-O’Griafa au scénario, ainsi qu’Aurélien Morinière pour les dessins et les couleurs. Le récit sera proposé en 4 tomes, avec des sorties prévues pour avril, août et octobre de cette année. Il ne faudra donc pas attendre trop longtemps pour découvrir la suite d’un récit qui démarre de belle manière, navigant entre la Première et la Seconde Guerre mondiale. C’est parti pour notre avis !
– Mise à jour de l’article avec notre avis sur le tome 2, disponible le 26 avril 2023 –
– Mise à jour de l’article avec notre avis sur le tome 3, disponible le 30 août 2023 –
– Mise à jour de l’article avec notre avis sur le tome 4, disponible le 24 janvier 2024 –
Synopsis : 1914. Louis Kerbraz, jeune Breton passionné, part défendre la France. Au même moment, une jeune allemande téméraire, Lieselotte Ruf, arrive sur le front adverse. Cette photographe s’est engagée comme infirmière dans la Croix-Rouge. Rien ne prédisposait Louis l’immortel et Lieselotte, l’Ange des tranchées, à se rencontrer. Pourtant, faisant fi du conflit qui oppose leurs nations, ces deux âmes artistiques vont s’aimer et, de cet amour naîtra un garçon. Dans le chaos qu’engendre la fin de la guerre, les deux amants se perdent. L’« enfant de la honte » qu’ils ont conçu sera retiré des bras de sa mère, et le jeune orphelin, blessé par la haine qu’on lui voue dans son propre pays, va en concevoir un extrême ressentiment envers ses deux géniteurs… Ainsi naîtra la saga tourmentée d’une famille déchirée sur trois générations. Sur un fond historique authentique, de 1900 à 1954, suivez la destinée de cinq personnages, de nationalités et de générations différentes, qui vont inscrire leurs destins croisés dans des mondes en guerre. Mais qu’est-ce qui détermine au final notre identité ? Qu’est-ce qui constitue ceux que nous sommes ? Face à une Histoire qui se répète, les enfants réagiront-ils comme leurs parents ? L’union des différences n’est-elle pas préférable aux conflits et aux rancœurs, préfigurant ainsi, en miroir, la formation de l’Europe des Nations ? L’ouvrage est à découvrir sur le site de l’éditeur, à cette adresse.
« Nous sommes l’histoire de notre vie »
L’histoire démarre dans un orphelinat catholique du sud de l’Allemagne en 1927. La Grande Guerre a laissé des traces mais surtout de nombreux enfants orphelins, mais le jeune allemand que nous découvrons est rejeté par ses camarades et même par les sœurs en charge de leur surveillance. Après avoir fouillé dans les dossiers de l’orphelinat, celui qui est surnommé « bâtard » par tous les autres va s’enfuir et partir à la recherche de ses parents. Alors qu’on le retrouve en 1940, engagé dans la Wehrmacht, le récit va faire un bon dans le temps à la découverte de ses parents. Vous l’avez peut-être déjà compris : son père était breton et sa mère allemande, et c’est de leur amour interdit qu’il est venu au monde. Ce sera donc à nous, lectrices et lecteurs, de découvrir le destin de ces parents qui se sont rencontrés dans une église en ruine, à travers des moments de vie souvent difficiles liés au contexte historique.
Ce premier tome s’avère très accrocheur, souvent très humain et loin d’être manichéen. On suit le parcours et le destin de Louis Kerbraz dans les tranchées, auprès de ses compagnons et durant certaines batailles. Celui qu’on appelle Louis l’immortel semble passer à travers les balles et devient rapidement un véritable héros, interviewé par la presse française. Lieselotte Ruf est quant à elle photographe, et l’art va les rapprocher, Louis étant très doué en dessin. La communication n’est pas un problème car elle parle français grâce à son cousin. Ils vont donc rapidement se rapprocher, et Louis va accepter toutes les missions susceptibles de le rapprocher de l’église où ils se retrouvent. Bien sûr, cet amour est quasi impossible et les événements vont prendre une tournure inattendue. Nous ne vous dirons rien pour ne pas vous gâcher la découverte, mais sachez que le récit s’avère parfois surprenant.
L’immersion est quoi qu’il en soit totalement au rendez-vous, et ce premier tome propose même quelques pages revenant sur le contexte historique, en lien avec des dates importantes mais également des faits marquants, comme le droit de vote des femmes. Les personnages sont bien développés, et s’intègrent parfaitement au contexte. Au milieu du chaos engendré par la guerre, le sang, les balles et les explosions, émergent des moments profondément humains et des thèmes forts liés à la famille et à l’identité. Ce premier tome pose donc des bases intéressantes, et l’ensemble est mis en valeur par des illustrations réalistes très réussies (certaines pages sont très fournies et riches en détails, avec des couleurs très bien choisies). On distingue parfaitement les personnages, et les différentes temporalités se goupillent bien. Seules les motivations du jeune orphelin semblent parfois floues, lui qui semble davantage vouloir se venger de ses parents (à cause de son enfance difficile) que d’essayer de les connaître et les comprendre. Cette saga familiale, qui se déroulera sur 3 générations, démarre de belle manière, et nous avons hâte de découvrir la suite !
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Visages – Ceux que nous sommes – Tome 2 : Georg, « l’enfant de la honte » né d’un amour passionné entre Louis Kerbraz, soldat breton et Lieselotte Ruf, jeune photographe allemande, a grandi dans un orphelinat après le conflit sanglant de 14-18. Le seul lien qui lui reste avec ses géniteurs est un médaillon… et un extrême ressentiment envers ceux qui l’ont abandonné. Après la guerre, Louis monte à Paris. Peintre affirmé, il se fera rapidement repérer dans les milieux artistiques en vogue. Au même moment, Lieselotte, fidèle à son appareil photo, s’imposera comme une des premières femmes reporter au sein d’une prestigieuse rédaction berlinoise. De grands bouleversements sociétaux s’amorcent. Bientôt, la montée du nazisme va étendre son ombre sur l’Europe et menacer le quotidien des deux protagonistes qui, bien que séparés par une frontière, s’y opposent, chacun à sa manière.
« Qui sait de quoi demain sera fait ? Qui allons-nous devenir ? »
Après un premier tome particulièrement convaincant et immersif, nous avions hâte de découvrir la suite de « Visages – Ceux que nous sommes ». L’ouvrage, signé Nathalie Ponsard-Gutknecht et Miceal Beausang-O’Griafa (au scénario), ainsi qu’Aurélien Morinière (dessins et couleurs) développe ses personnages avec justesse sans en oublier le contexte historique. On pourrait même dire « les » contextes, le récit se déroulant sur plusieurs générations. La narration fait en effet une nouvelle fois le yoyo, passant des années 1910 aux années 1940 (mais pas que), de la Grande Guerre à la montée du nazisme et la prise du pouvoir par Hitler. Ce tome 2 démarre par le court face-à-face entre Georg, « l’enfant de la honte », et son père Louis. On rappelle que le jeune homme a grandi dans un orphelinat, rejeté de tous, et même selon lui de ses parents. Il a découvert que son père était français et sa mère allemande, une situation forcément mal vue à l’époque, et il attend des réponses !
« Je refuse de servir une cause qui uniformise l’individu et emprisonne la liberté »
Notre histoire se concentre également sur Louis, son enfance et son arrivée à Paris, ou encore sur Lieselotte et son accession au sein d’une grande rédaction berlinoise. Une femme forte, bourrée de talent, mais qui va devoir faire face à la censure, à la prise de pouvoir par le parti d’Hitler, et à d’autres événements douloureux liés à sa nouvelle relation avec son rédacteur en chef. C’est un personnage très intéressant, qui a des convictions fortes qui forcent le respect, surtout durant cette période où il était bien difficile de s’exprimer et de disposer d’un minimum de liberté. La montée du nazisme est bien développée, et il est difficile de ne pas enchaîner les pages. Une certaine concentration reste de rigueur, car on passe parfois rapidement d’un personnage à un autre en changeant d’époque. Mais la qualité des visuels, des visages et des décors permettent de tout de suite comprendre de qui on parle. Georg fait son retour en fin de tome, en tant que sniper formé par sa supérieure, une irlandaise qui va elle aussi avoir une place dans le récit.
Ce tome 2 est une nouvelle fois très accrocheur et bien développé, que l’on parle des différents événements historiques ou des relations entre les personnages. Les visuels sont toujours aussi beaux, réalistes et détaillés, avec de grandes illustrations particulièrement travaillées. On apprécie également les dernières pages de l’ouvrage, sorte de carnet informatif qui revient sur certains événements historiques, comme la situation économique de l’Allemagne entre les deux guerres (qui a amené le peuple à faire confiance à Hitler), certaines opérations militaires ou encore la censure de la presse par Goebbels. C’est très instructif, et cela complète parfaitement une histoire déjà riche. Pour découvrir le prochain tome, il faudra patienter jusqu’en août prochain !
Visages – Ceux que nous sommes – Tome 3 : Georg, « l’enfant de la honte » né d’un amour passionné entre Louis Kerbraz, soldat breton, et Lieselotte Ruf, photographe allemande, a grandi orphelin. Gardant un extrême ressentiment envers ceux qu’il estime l’avoir abandonné, il s’est enfui pour traquer ses parents. Devenu un jeune homme à l’orée du second conflit mondial, il s’enrôle dans l’armée allemande et c’est sur le champ de bataille que le destin va enfin réunir père et fils ! Georg voit ses certitudes ébranlées : son père français ne connaissait pas son existence, pourtant il semble accepter sans hésitation un fils allemand. Galvanisé par cette rencontre surréelle, Georg veut retrouver sa mère. Formé par une sniper irlandaise, Sheila, avec laquelle il noue une relation, il devient héros du Reich, ce qui lui permet de se lancer sur la trace de Lieselotte. Seulement, cette dernière n’est plus à Berlin… Journaliste pugnace, opposée à la censure nazie, elle traque la vérité des camps, pour en informer la population, et commence en Pologne une enquête au péril de sa vie. Croyant son amant français tué dans les tranchées, elle ignore qu’il est devenu artiste et metteur en scène. Persuadée que son fils était mort-né, elle ne se doute pas qu’il puisse être vivant et à sa recherche dans une Europe à feu et à sang. Elle ignore aussi que son cousin alsacien Peter vient d’être arrêté. Bientôt, l’horreur de la guerre va la rattraper…
« Tu apprendras, à tes dépens, que le long de ton chemin tu rencontreras chaque jour des millions de masques et très peu de visages »
Louis, Lieselotte, Georg et Sheila sont de retour dans le tome 3 de « Visages – Ceux que nous sommes », qui approfondi, après avoir posé des bases solides, le développement et les destins de chacun. Le récit de Nathalie Ponsard-Gutknecht et Miceal Beausang-O’Griafa (le dessin étant assuré par Aurélien Morinière) est profondément humain et se déroule sur 3 générations, les choix de chaque personnage ayant forcément une incidence sur le parcours des autres. On se questionne sur le sens de la vie, sur ce qui fait de nous ce que nous sommes, notre héritage, et chaque choix a ses conséquences, surtout dans un contexte de guerre. Il est en effet une nouvelle fois question de la montée du nazisme, et de la mise en place des camps de concentration. Georg, héros du Reich, a retrouvé son père (qui ignorait son existence) et compte bien faire de même avec sa mère Lieselotte, qui ignore qu’il est vivant. Elle pense en effet que son fils est mort-né, et Georg va aller à la rencontre du Dr Mühle, qui a signé son certificat de naissance en 1919 à Stuttgart. C’est cet homme qui a placé Georg dans un orphelinat, loin de ses parents, ce dernier étant persuadé durant toutes ces années d’avoir été rejeté.
« C’est mon devoir de journaliste et de femme. Pour témoigner de ce qui se passe, je dois connaître la vérité »
L’histoire est une nouvelle fois assez dense, et les personnages sont nombreux. Nous avons, comme dans le tome précédent, beaucoup apprécié le traitement réservé à Lieselotte, une femme forte qui compte bien se faire entendre. Elle est journaliste et prend beaucoup de risque pour dénoncer les actions des nazis, qui traitent les gens comme du bétail et les envoient dans des camps. Toute l’horreur de la guerre nous explose en plein visage, et Lieselotte veut faire éclater la vérité au grand jour. Malheureusement, « la vérité est une illusion », et Lieselotte va être envoyée à Dachau, un camp particulièrement dur dans lequel les nazis ne veulent qu’une chose : briser ses occupants. Ce tome 3 s’avère une nouvelle fois très immersif (les superbes visuels y sont pour beaucoup), intégrant avec brio les interactions entre les différents personnages et leur développement dans un contexte historique épouvantable. On prend conscience que chaque acte a des conséquences, et que les personnes que nous sommes (et notre propre histoire), dépendent des actions des générations précédentes. C’est toujours aussi passionnant à découvrir, et ce tome 3 propose une nouvelle fois de nombreuses informations historiques dans ses dernières pages, en lien avec le gouvernement de Vichy, les camps de concentration, mais également la résistance française. On vous rappelle que l’histoire prendra fin avec le quatrième tome, qui sera disponible en octobre prochain.
Visages – Ceux que nous sommes – Tome 4 : Georg, « l’enfant de la honte » né d’un amour passionné entre Louis Kerbraz, soldat breton, et Lieselotte Ruf, photographe allemande, a grandi orphelin. Devenu sniper pour l’armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale, Georg a retrouvé Louis sur le champ de bataille. Ébranlé par la rencontre avec ce père qui remet en perspective ce qu’il en avait imaginé, il se lance à la recherche de sa mère. Mais Lieselotte, reporter pugnace, mène une enquête périlleuse sur les camps de la mort… Capturée, elle se retrouvera elle-même en tant que journaliste opposante au régime derrière les barbelés de Dachau, puis ceux de Mauthausen. Déterminés à lui porter secours, Louis et Georg échafaudent un plan audacieux sous couvert d’acheminement d’œuvres d’art, afin d’obtenir un précieux laissez-passer qui les mènera à Lieselotte. Ressurgi de son passé, un médecin nazi la tient entre ses grilles… Le père et le fils arriveront-ils à temps ?
« La Première Guerre vous a séparés. La seconde nous réunit. Battez-vous, encore et toujours mes enfants, pour qu’il n’y en ait jamais de troisième »
Clap de fin pour « Visages – Ceux que nous sommes », avec un quatrième tome que nous attendions avec impatience et que nous avons désormais entre les mains. C’est avec un peu de retard qu’arrive la fin de ce récit, ce dernier volume étant à la base prévu pour octobre dernier. Notre patience est désormais récompensée, et Nathalie Ponsard-Gutknecht et Miceal Beausang-O’Griafa (au scénario), ainsi qu’Aurélien Morinière pour les dessins et les couleurs, nous proposent la fin de ce récit historique se déroulant sur 3 générations. Après un petit résumé nous rappelant les événements précédents, ce tome 4 nous embarque dans l’enfer des camps. Lieselotte a pris énormément de risques pour dénoncer les actes des nazis et les horreurs qui se déroulent dans les camps de concentration, mais a été capturée et enfermée à Dachau avant d’être transférée à Mauthausen. Une terrible période qui restera à jamais gravée dans sa mémoire, mais Lieselotte s’accroche à la vie, sachant désormais que son fils Georg est bel et bien vivant. Ce dernier, accompagné de son père Louis, vont tout mettre en ordre pour aller la libérer. L’histoire s’attarde également sur Sheila, sniper de l’IRA et compagne de Georg, qui vient d’être capturée par les Anglais. Elle est enceinte, et son fils va lui être enlevé…
Il se passe beaucoup de choses dans ce tome 4, qui vient conclure une histoire riche, toujours basée sur des faits historiques. Des faits marquants et traumatisants pour la plupart des nos personnages, qui ne ressortiront pas indemnes de cette guerre. « Visages – Ceux que nous sommes » nous parle d’identité, de notre histoire et de ce qui fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui, mais également de reconstruction. Certains vont parvenir à se reconstruire, à aller de l’avant, tandis que d’autres n’y parviendront pas. La douleur est quoi qu’il en soit toujours présente, mais des moments de bonheur attendent heureusement Louis et Lieselotte, qu’on retrouve peu de temps après la fin de la guerre. Le contexte historique est une nouvelle fois bien expliqué, et il se marie parfaitement avec le fictif et le destin de nos personnages. C’est toujours aussi accrocheur, même si cela va parfois un peu vite en termes de narration. Les visuels sont quoi qu’il en soit toujours aussi réussis, avec de très belles illustrations mettant en avant les personnages et les décors. Certaines couleurs froides donnent davantage d’impact à des moments douloureux, comme les expériences des nazis sur les prisonniers qui glacent le sang. L’ensemble est poignant, révolte parfois, et ce jusqu’à la fin du tome, avec une conclusion qui nous rappelle que la vie est un éternel recommencement.
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