Avis : Jukebox Motel – Tomes 1 et 2 (récit terminé)
Disponible en ce mois de mai 2021 aux éditions Grand Angle, le premier tome de « Jukebox Motel » est dessiné par Marie Duvoisin et scénarisé par Tom Graffin. Ce dernier est également à l’origine du roman dont est adaptée cette bande-dessinée, mais a aussi travaillé sur le court-métrage du même nom. Autant dire qu’il sait de quoi il parle, et lorsqu’il s’est vu proposé de raconter son histoire en 2 albums de 54 pages, il s’est totalement investi dans le projet. Cela se ressent dès les premières pages de ce premier tome, et nous allons vous expliquer pourquoi.
– Mise à jour de l’article avec notre avis sur le tome 2, disponible le 27 avril 2022 –
Synopsis : “Où les hommes renaissent au monde. Où les femmes reviennent toujours. Où les lumières se voilent. Pour mieux rayonner ensuite.” 1967. Thomas Shaper est sur le point d’abandonner la peinture quand une de ses toiles, remarquée par Andy Warhol, se vend une fortune. Devant ce succès démesuré, le peintre perd pied. Sur un coup de tête, il part pour la Californie où il rencontre Johnny Cash, lui aussi en plein doute. Écrasé par la gloire, le légendaire artiste country confie au peintre qu’il n’aspire qu’à une chose : trouver un « diable d’endroit », comme il l’appelle, où il pourrait enfin trouver la paix intérieure. Dès lors, Thomas fait de la recherche de ce lieu sa propre quête… L’ouvrage est à découvrir sur le site de l’éditeur, à cette adresse.
Précisons tout d’abord que le court-métrage « Jukebox Motel » a été adapté en roman, mais que ce dernier est une préquelle qui nous raconte la naissance de ce lieu et le parcours de son créateur, Tom Shaper. Notre héros était certes cité dans le court-métrage, mais son histoire a cette fois-ci l’occasion d’être développée. Le destin de notre protagoniste principal était tout tracé : reprendre l’exploitation de ses parents (la vente de fraises). Mais le jeune homme a d’autres ambitions, et trouve enfin la force, le jour de ses 24 ans, d’annoncer à ses parents qu’il souhaite partir à New York pour faire les beaux-arts. Une annonce choc pour sa famille, et une scène réellement poignante lorsqu’il quitte le domicile familial, embrassant sa sœur, sa mère, mais faisant face à l’ignorance la plus totale de son père. Tom prend la route, se lance dans l’art, et tout va rapidement s’enchaîner. Après une rencontre amoureuse basée sur des règles pour le moins originales, Tom va se faire remarquer par Andy Warhol et gagner une grosse somme d’argent. Mais comme beaucoup, Tom a du mal à gérer cette fortune soudaine et part pour la Californie, où il va faire une rencontre qui va changer sa vie. Johnny Cash lui-même tape la causette avec Tom, et lui explique qu’il est à la recherche « d’un endroit loin de ce cirque, un diable d’endroit ». Une sorte de refuge finalement, où se ressourcer et reprendre pied. Tom va donc se mettre à la recherche de ce lieu, et va rencontre Ted Stone, à qui il va acheter une partie de sa propriété… Mais les événements ne vont pas s’enchaîner comme prévu… Difficile de vous en dire davantage sans spoiler, et il serait vraiment dommage de vous gâcher les rebondissements présents dans ce premier tome. L’émotion est clairement au rendez-vous, que l’on aborde la notion de famille, d’amour… et de mort. Tom va voir sa vie complètement chambouler par ces événements, plus ou moins heureux mais qui vont forger son caractère. Il a voulu fuir un passé pesant, mais celui-ci va le rattraper plus vite que prévu. On tourne donc les pages de ce tome avec une petite boule au ventre, et on se demande comment les choses vont bien pouvoir évoluer.
« Jukebox Motel » est un véritable hommage à l’art, à l’esprit créatif (que l’on perd et que l’on retrouve dans certaines circonstances) et à la musique, avec la présence de Johnny Cash. L’ambiance est parfois lourde, triste, mais l’espoir reste toujours permis. Tom Graffin est compositeur et véritablement amoureux de musique, et il nous explique que « Johnny Cash incarne une sorte de figure paternelle dans laquelle Tom peut voir son propre reflet, mais aussi celui de son père. C’est un personnage à la fois énigmatique, hanté et charismatique, une sorte de figure tutélaire de la musique américaine ». Ces paroles font clairement écho avec le traitement des personnages, vraiment réussi. Les dessins de Marie Duvoisin y sont également pour quelque chose, et son coup de crayon est souvent hypnotisant. Le choix des couleurs est toujours cohérent (certaines séquences, comme le cauchemar de Tom, sont incroyables), et les détails sont nombreux, que l’on parle des visages ou des décors. Les plans larges dégagent une belle atmosphère, et on apprécie également les détails visuels comme les reflets dans les flaques d’eau, ou la lumière qui tape sur une vitre de voiture. C’est beau, très beau même, et on en redemande. Toutes sortes d’émotions se mélangent à la lecture de ce premier tome de « Jukebox Motel ». Visuellement superbe et bénéficiant de personnages bien écrits, l’ouvrage est au final très accrocheur et aborde des thèmes forts et souvent poignants. Nous n’avons qu’une envie : découvrir la suite, d’autant que la fin de ce tome laisse sur un suspense haletant. Vivement !
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– Jukebox Motel – Tome 2 –
Synopsis : Thomas Shaper est un jeune peintre dépassé par le succès. Adoubé par Andy Warhol, rebaptisé « Robert Fury » par un marchand d’art cupide, l’artiste a fui New York et laissé derrière lui sa compagne pour s’installer en Californie. Sa rencontre fortuite avec Johnny Cash dans un bar de Los Angeles l’a mis sur la route du Jukebox Motel, vieille bâtisse isolée dans laquelle il tente depuis de trouver la paix. Hélas, les tourments familiaux et la peinture lui collent à la peau. Piégé dans une spirale destructrice, Thomas s’accroche à un fol espoir : que le Jukebox Motel, refuge où il s’est enfermé, donne un sens à sa vie.
Après un premier tome très réussi, nous allons enfin pouvoir découvrir la fin de « Jukebox Motel » avec ce second tome. Une histoire très proche de ses personnages et qui procure son lot d’émotions, nous parlant d’amour, de famille, de mort, mais également de renaissance. Renaître loin de ses bases, loin des siens, à travers l’art notamment, que l’on parle de peinture ou de musique. Thomas Shaper a été dépassé par son succès, et on lui en demande toujours plus. Notre héros est poussé dans ses retranchements, et livre des toiles chaotiques, à la fois sombres et lumineuses. Les cauchemars l’empêchent de se concentrer pleinement, mais un rayon de soleil va enfin lui parvenir avec l’arrivée de Joan et de leur fille. Une bouffée d’air frais dans un quotidien qui semble lui échapper. Son « diable d’endroit » tant recherché lui a réservé autant de drames que de miracles : « tout ce qu’il m’a donné, il s’est arrangé pour le reprendre. Tout ce qu’il a repris, il l’a offert d’une autre manière. Cet endroit n’était ni l’enfer ni le paradis. Cet endroit, c’était la vie« . Se reconstruire, être avec sa famille au sein d’un foyer stable et trouver l’endroit où l’on se sent bien, c’est ce que chaque être humain souhaite au fond de lui. Mais pour avancer, il faut parfois se débarrasser de son passé.
Thomas va vivre des événements marquants, lui qui a connu le succès et qui a eu du mal à le gérer. Ce personnage est vraiment intéressant et bien écrit, et même si ce second tome est moins prenant en termes d’émotions que le premier, il reste très accrocheur. Certaines rencontres font du bien dans une vie, d’autres non… Il s’agit de faire le tri, et surtout d’avancer, et trouver sa place. Visuellement, c’est toujours aussi immersif, même si les plans larges du premier tome manquent à l’appel. C’est plus condensé en termes de découpage, le récit s’attardant encore plus sur les personnages. L’ensemble se conclut donc de belle manière, même si nous devons avouer avoir une préférence pour le premier tome, plus fort émotionnellement et plus dynamique visuellement.
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