TEST : Silent Hill 2, le tour de force de la Bloober Team (PS5)
Après des années de rumeurs, puis un partenariat officialisé entre Konami et la Bloober Team en juin 2021, tous les espoirs étaient permis pour assister au retour de la licence Silent Hill, qui a connu des hauts (Silent Hill 1 à 4, Shattered Memories) et des bas (Silent Hill Homecoming, Silent Hill: Book of Memories) avant de disparaître des radars en 2012 avec Silent Hill: Downpour. Octobre 2022, c’est la libération : Konami annonce le retour de la licence, avec plusieurs projets. Certains s’avèrent déjà très attirants (Silent Hill f) mais c’est le remake de Silent Hill 2 qui nous intéresse tout particulièrement. Comme beaucoup, nous sommes aussi inquiets qu’heureux de voir le retour de ce titre culte (qui fait sans conteste partie de notre top 10 de tous les temps), un monument de l’horreur psychologique à l’histoire marquante ! Le temps fut long, mais le jeu est enfin entre nos mains tremblantes, et après l’avoir terminé en un peu plus de 16 heures, il est temps de voir si la Bloober Team a su nous convaincre.
Arriver au générique de fin du remake de Silent Hill 2 est un soulagement. Tout d’abord parce que le jeu est toujours aussi oppressant, désorientant, pénible même parfois, mais surtout parce que la Bloober Team a réussi un tour de force : nous donner la sensation d’être en 2001, en pleine découverte du jeu sur PS2, mais avec des visuels et un sound design de haute volée. Ne mâchons pas nos mots : le remake de Silent Hill 2 est une énorme réussite, et ce n’était pas gagné, surtout à cause de la communication délicate autour du jeu. Les trailers ne donnaient pas forcément envie, mettant maladroitement en avant les combats du jeu (qui sont largement supérieurs dans le jeu final), et les fans regardaient le projet avec un œil inquiet. De notre côté, nous avons toujours aimé le travail de la Bloober Team (en particulier Layers of Fear et Observer, The Medium dans une moindre mesure), et nous gardions espoir. Certains « journalistes » ou « fans » n’ont par contre pas hésité à être virulent, à cracher sur le studio sans savoir ce qu’il en serait au final. On espère que ces gens ferment aujourd’hui leur clapet, et qu’ils ne l’ouvriront plus jamais.
Silent Hill 2 est un remake, un vrai. Le travail réalisé par la Bloober Team est colossal, et les développeurs sont parvenus à conserver l’ambiance du jeu d’origine tout en modernisant l’ensemble. À aucun moment, Silent Hill 2 n’est trahi, qu’on parle des environnements, des personnages, de l’histoire… Même en connaissant le jeu, le frisson est présent, et on attend avec impatience ces lieux angoissants qu’on a en même temps hâte et pas du tout envie de traverser à nouveau. Silent Hill 2 est un jeu éprouvant, où tout est fait pour perdre et désorienter le joueur. Quand on sort des appartements Wood Side à bout de souffle, on enchaîne sur l’hôpital… et si vous avez de la peine à vous remettre des couloirs sombres et angoissants que vous venez de traverser, vous n’êtes pas prêts pour la prison. Quand on sort d’une zone, on n’en peut plus, mais la suivante est bien pire encore. James, parti à Silent Hill pour retrouver sa femme (morte 3 ans plus tôt d’une maladie mais dont on a reçu une lettre nous demandant de la rejoindre là-bas), s’enfonce minute après minute dans les ténèbres, dans ses ténèbres. Nous ne dirons bien évidemment rien sur l’histoire, car même 21 ans après, vous êtes nombreuses et nombreux à ne rien en connaître !
Konami a vu le succès des remakes de Resident Evil et s’est dit « pourquoi pas nous ! ». Mais au-delà de l’aspect mercantile, l’éditeur souhaite faire revenir la licence de la plus belle des manières ! Malgré les critiques, la Bloober Team a taffé, a écouté les retours (parfois virulents), et a rendu une copie non parfaite, parce que le jeu a des défauts, mais de grande qualité. On zieute donc du côté de Resident Evil, et on opte pour une caméra à l’épaule, assez proche de James pour limiter notre vision. Le jeu mélange toujours exploration, énigmes (avec plusieurs niveaux de difficulté) et action (la difficulté est réglable également). L’équilibre est bon, mais il faut préciser que les combats sont plus nombreux, et que le challenge est bien présent dans le mode le plus difficile. En mode normal, en faisant attention, on récupère ce qu’il faut en termes de munitions et de soins.
Les énigmes sont intéressantes, certaines sont nouvelles et demandent de fouiner partout. Dans Silent Hill 2, on ouvre des portes, encore et encore, comme à l’époque, on griffonne sa map avec quelques indications, on tourne un peu en rond, et il est bien difficile de s’y retrouver si on arrête d’y jouer quelques jours. Certains y verront une parfaite métaphore de ce qui passe dans la tête de James, d’autres vont clairement s’ennuyer, comme à l’époque finalement. De notre côté, malgré quelques longueurs (et certains passages inutilement rallongés), nous ne nous sommes absolument pas ennuyés. Notez que quelques courtes séquences importantes ont été retirées (notamment un échange entre James et un médecin), ce qui est un peu dommage.
La ville de Silent Hill n’a jamais été aussi immersive. Il est facile de dévier de l’histoire pour aller fouiner et trouver des munitions, des soins ou des textes en lien avec le lore. Une théorie très intéressante tourne d’ailleurs sur internet depuis quelque temps, mais nous ne vous en dirons pas plus. Silent Hill 2 est paradoxal : on y souffre, on soupire fort en découvrant chaque nouvel map et les dizaines de salles à visiter, mais on n’arrive pas en sortir. Comme une sensation étrange et même malsaine de réconfort, parce qu’on sait que tout ce qui se passe ensuite ne peut qu’être pire. La ville est sublime, le brouillard parfaitement bien géré (créant constamment une sensation de malaise), les textures sont détaillées, les monstres ont des paterns qui parviennent à surprendre (ces saletés de mannequins constamment planqués sont une vraie plaie), et on attend avec impatience chaque cinématique (aux doublages juste parfaits, surtout James) pour en apprendre davantage sur les histoires de chacun.
James est toujours juste dans son jeu, de ses intonations à ses expressions faciales. Le travail sur la technique est saisissant, et les équipes de la Bloober Team ont fait un taf de dingue. Néanmoins, et on l’avait remarqué depuis le début de la communication, James est très raide dans ses déplacements, surtout quand on passe de la marche à la course. Un vrai bulldozer, qui ouvre même parfois les portes sans utiliser ses mains. Un peu étrange en termes d’immersion, mais on s’y fait. Les combats sont par contre mieux animés, vraiment pêchus, et surprenants dans le bon sens du terme. On utilise quelques armes, un bâton en bois, un tuyau, et on peut esquiver les coups. C’est vraiment réussi.
Côté mise en scène, c’est également du sacré boulot. On retrouve certains plans de caméra du jeu d’origine, souvent magnifiés par des effets visuels ou de lumière (on pense au cadavre devant la télévision), et d’autres inédits. Le jeu est toujours aussi cinématographique, notamment dans ses cinématiques, qui alternent parfois plans fixes et d’autres en mouvement, plans serrés ou larges. Le chara design pourra quant à lui diviser. Il a d’ailleurs beaucoup fait parler de lui durant la promo du jeu avec le personnage d’Angela, que nous avons trouvé impeccable. Seule Maria est un peu moins réussie à nos yeux, mais nous sommes particulièrement attachés à son design de l’époque. Mais dans l’ensemble, le travail sur les visages est excellent ! Certains boss pourraient également vous rester en tête un long moment.
Mention spéciale à Pyramid Head, dont les apparitions sont juste incroyables. Le sound design qui l’accompagne est assez fou également. Chaque son, chaque porte qui grince, chaque chuchotement, chaque râle de James, chaque bruit émis par les monstres sont ultra travaillés, et le jeu place la barre hyper haute en termes d’immersion sonore. Ajoutez à cela les compositions mythiques d’Akira Yamaoka, parfois retravaillées (pour le meilleur), qu’on ne se lasse pas d’écouter même une fois le jeu terminé et reconnaissables entre mille. Certains morceaux gagnent clairement en puissance dans ce remake, et d’autres semblent plus posés. Le boulot est une nouvelle fois assez incroyable. Notez que les développeurs ont écouté les joueurs et proposent quelques options d’accessibilité, et notamment la possibilité d’enlever les QTE quand on se fait attraper ou le contour rouge quand on est blessé. Il faudra à ce moment-là se fier à la démarche de James ou à la couleur du menu, qui change suivant l’état de santé.
Après plus de 16h à déambuler dans Silent Hill, nous sommes désormais fixés : la Bloober Team n’a pas déçu, et son remake de Silent Hill 2 est une belle réussite. On a clairement eu la sensation de rejouer au jeu de l’époque, avec tout ce qui va bien en termes de modernisation pour que l’expérience soit plus « agréable ». Façon de parler bien sûr, tant le jeu est éprouvant, difficile à vivre, pénible même parfois. On souffre avec James, durant les combats, durant l’exploration, le tout ponctué d’énigmes réussies. Sublime et juste parfait en termes d’ambiance sonore, le jeu n’est pas exempt de défauts (James est très rigide, il y a quelques longueurs), mais Silent Hill 2 fait partie, à nos yeux, des meilleurs remakes existants. La licence revient avec brio, et on a hâte d’en découvrir les futurs projets !
Les +
- ambiance exceptionnelle
- c’est souvent sublime, avec un brouillard parfaitement bien géré
- le travail sur la lumière, surtout en intérieur
- la progression est plus « agréable » que dans le jeu de base
- les thèmes abordés
- les combats au corps-à-corps
- les expressions faciales des personnages
- la mise en scène
- les nombreux easter eggs (certains vont même assez loin)
- les musiques et le sound design sont parfaits
- les options d’accessibilité
- la DualSense super bien gérée
- les apparitions de Pyramid Head
- un profond respect de l’œuvre d’origine
- bonne durée de vie…
Les –
- … mais le jeu souffre de quelques longueurs
- le pistolet qui manque un peu d’impact
- quelques combats de boss assez basiques
- la raideur de James
- il faut aimer souffrir
Lageekroom