Avis BD Anspach : Innovation 67
Après une campagne Ulule couronnée de succès, les éditions Anspach ont pu lancer le quatrième album de Patrick Weber et Baudouin Deville consacrée à l’histoire de la Belgique depuis la seconde guerre mondiale. Nommé « Innovation 67 », ce nouvel épisode fait suite à « Bruxelles 43 », « Sourire 58 » et « Léopoldville 60 », et se place donc comme le quatrième volume de la collection. Nous avons eu la chance de le recevoir de la part de l’éditeur (que l’on remercie chaleureusement), et il est temps de vous donner notre avis. C’est parti !
Synopsis : 1967. Devenue journaliste, Kathleen se rend à Paris pour un reportage. Une occasion pour profiter de la vie nocturne à Saint-Germain-des-Prés. Elle y fait la connaissance de Tom. Ils se reverront à Bruxelles et elle en tombera éperdument amoureuse. Le personnel du grand magasin Innovation, construit en partie par Victor Horta, à Bruxelles, se prépare à mettre à l’honneur des produits venus des USA lors d’une « Semaine Américaine ». Mais dans les rues, la contestation gronde. L’extrême-gauche multiplie les manifestations pour stopper l’impérialisme américain et l’implication des USA dans la guerre du Viêtnam. Alors qu’une odeur de brûlé se répand dans les rayons de l’Innovation, une personne lâche : « je donne ma vie pour le Viêtnam ». Plus de 260 personnes y trouveront la mort. Kathleen couvrira le déroulement de l’enquête. Les antiimpérialistes sont-ils responsables de l’incendie ? Quel est le rôle de Tom ? Pourquoi Kathleen a-t-elle l’impression qu’il joue un double-jeu ?
Pour démarrer notre avis, il est bon de préciser que chaque récit de la série peut être découvert indépendamment. Les histoires trouvent leur conclusion, et il n’est pas obligatoire d’avoir lu les anciens volumes pour pleinement profiter de notre lecture du jour, malgré le retour de certains personnages. De notre côté, « Innovation 67 » est le premier ouvrage que nous découvrons en provenance de cette collection. Il revient sur l’incendie de l’Innovation, ce grand centre commercial de la rue Neuve à Bruxelles, dont une partie du bâtiment a été construite par Victor Horta. Ce 22 mai 1967 restera dans les mémoires, et fait figure de véritable tragédie nationale avec plus de 260 morts et des scènes épouvantables de femmes et d’hommes faisant tout pour échapper aux flammes, allant jusqu’à se défenestrer. Il faut d’ailleurs préciser que le climat était particulièrement tendu avant le drame, et cet aspect politique est bien expliqué tout au long de l’ouvrage. L’innovation et son personnel se préparaient en effet à mettre en place la « Semaine Américaine », provoquant la gronde de certains mouvements d’extrême-gauche. Ces derniers manifestent et n’hésitent pas à distribuer des tracts pour dénoncer et stopper l’impérialisme américain et leur implication dans la guerre du Viêtnam. Mais sont-ils à l’origine de l’incendie ?
Au delà de son aspect politique et des faits dramatiques relatés, l’ouvrage de Patrick Weber et Baudouin Deville traite avec justesse l’ensemble des personnages. Ces derniers ont tous un rôle important à jouer, que l’on parle de notre héroïne Kathleen et de sa meilleure amie, de sa mère ou encore du mystérieux Tom, un homme presque trop charmant et poli pour être honnête. Les premières pages prennent donc leur temps et nous présentent chaque protagoniste, ce qui nous permet de parfaitement nous immerger et de nous attacher à certains. Des thèmes importants sont d’ailleurs abordés, comme la place de la femme dans le monde du travail (ici, le journalisme) et les conflits générationnels, déjà bien présents à cette époque (Kathleen est souvent traitée de vieille fille par les plus jeunes). Ce développement des différents personnages permet de tisser les liens, et les enjeux en ressortent grandis. De nombreuses références à cette période sont également présentes, et certains mots employés bénéficient même d’une traduction. On a clairement la sensation de se retrouver dans les années 60, et le travail sur les dessins est également à souligner. Malgré quelques visages en deçà, l’ensemble est très bon, avec des décors détaillés nous faisant clairement découvrir la ville de Bruxelles. C’est très immersif, avec un très joli choix des couleurs, optant parfois pour des tons marrons. On notera enfin que la bande-dessinée est complétée, dans ses dernières pages, d’un cahier de textes écrit par Patrick Weber, qui revient sur les événements et leur chronologie. On se rend compte que l’aspect fictionnel de notre récit s’intègre parfaitement aux événement réels.
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Mêlant parfaitement faits réels et fiction, « Innovation 67 » convainc sans mal grâce à ses personnages et à la représentation des tragiques événements vécus par les victimes. Le contexte historique est bien mis en place, et l’ensemble se lit avec intérêt, donnant au final envie de nous procurer les anciens volumes de la collection, que nous n’avons pas eu la chance de découvrir. « Innovation 67 » n’est donc pas qu’un poignant récit historique, et parvient à mettre en scène de nombreux personnages intéressants et des thèmes forts de notre société, qui sont au passage toujours d’actualité. Si vous aimez le genre, « Innovation 67 » est clairement une bonne pioche !
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