Avis BD Glénat : La Dernière Ombre – Tomes 1 et 2 (récit terminé)
Sorti le 21 avril dernier, le premier tome de « La Dernière Ombre » est signé Denis-Pierre Filippi (scénario) et Gaspard Yvan (dessinateur et coloriste). Le duo nous raconte une histoire profondément humaine qui se déroule durant la première guerre mondiale, mais qui propose également une ambiance qui pioche du côté d’œuvres fantastiques. C’est parti pour notre avis sur ce premier tome, édité par les éditions Glénat !
– Mise à jour de l’article avec notre avis sur le tome 2, disponible le 9 février 2022 –
Synopsis : À bout de forces, un groupe composé de soldats et de civils russes s’éloigne péniblement du front. La première guerre mondiale s’étire et si cet ignoble conflit meurtrit les corps, il épuise aussi les esprits les plus sains. Pour soulager le moral des troupes, le soldat Zvoga, ancien capitaine de son état, préconise une halte dans un manoir isolé près duquel ils passent. Ce n’est pas du goût de son lieutenant, mais ce sera l’occasion pour le « Doc. » de soigner les blessés et d’offrir à ses filles qui l’accompagnent, Natalia et Irina, un peu de repos. La Baronne qui vit dans ses lieux avec les siens les accueille malgré elle, mais leur dissimule un secret. En effet, vit caché dans les murs de sa propriété un groupe d’enfants qu’elle tente de préserver de la guerre et de ses ravages. Une nuit, Natalia les découvre mais ces derniers la prennent tout de suite en amitié grâce aux histoires merveilleuses qu’elle leur conte et qui allègent leur souffrance et les tourments de la guerre. Mais la barbarie n’est jamais loin; une mutinerie se prépare au sein du groupe de soldats et des rumeurs inquiétantes circulent… On aurait vu la dernière ombre roder en ces lieux… Premier tome d’un diptyque inspiré dans ses ambiances par le Labyrinthe de Pan, La Dernière Ombre met en scène les tourments de la guerre et comment la puissance de l’imaginaire peut permettre d’oublier la violence humaine. L’ouvrage est à découvrir sur le site de l’éditeur, à cette adresse.
Notre récit démarre en pleine première guerre mondiale, et notre groupe de soldats et civils est épuisé. La découverte d’un manoir isolé pourrait leur être salutaire, et permettre au Doc de prendre soin de ses blessés. Le soldat Zvoga approuve fortement l’idée, ce qui n’est pas le cas de son lieutenant. Les premiers conflits apparaissent et la tension est à son comble, mais nos hommes ne sont pas au bout de leurs surprises, et le manoir pourrait bien abriter quelques secrets. Natalia et Irina, les filles du docteur, vont être les premières à découvrir ce qui se cache dans les murs de la bâtisse. Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro est cité comme référence par l’éditeur, et on ne peut qu’être d’accord. L’ambiance est excellente et souvent sombre, ce premier tome nous présentant l’horreur de la guerre, les conflits humains, le tout dans une atmosphère qui tend vers le gothique. La guerre, la mort, la trahison, la mutinerie mais surtout l’enfance font partie des thèmes forts abordés par les auteurs, qui nous livrent un récit véritablement accrocheur, qui met également en avant l’imaginaire. Le ton est parfois glacial, que l’on parle des décors en extérieur ou des intérieurs du manoir, nous rappelant parfois le cinéma d’horreur espagnol.
Le ton réaliste de l’ensemble, et en particulier des visages, favorise grandement une immersion qui nous prend dès les premières pages jusqu’à la fin de ce tome. L’action, pourtant présente lors de certaines séquences de guerre, reste en retrait pour laisser place aux personnages. Le coup de crayon de Gaspard Yvan est vraiment très chouette, et certaines grandes cases fourmillent de détails. Le côté historique est travaillé, et la petite pointe de fantastique fait également son effet. Mais qui est donc cette fameuse « dernière ombre » ? Est-elle humaine ? Et pourquoi semble-t-elle veiller sur les enfants ? Au final, la bande-dessinée de Denis-Pierre Filippi et Gaspard Yvan parvient à accrocher dès ses premières pages, avec son ambiance souvent glaciale qui s’accentue dès l’arrivée au manoir. Reprenant certains codes du cinéma fantastique ou d’horreur, l’ouvrage se veut original et aborde des thèmes forts liés à l’humain et à l’enfance. Ces débuts sont donc déjà réussis, et maintenant que les bases sont posées et que l’on a découvert les personnages, la suite devrait monter encore d’un cran. Vivement.
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La Dernière Ombre – Tome 2 : « Le lieutenant est mort, le sort des blessés est incertain et les réserves de la Baronne s’amenuisent. Il faudrait partir, mais dehors, une tempête empêche le départ. Tout le monde ne pourra pas sortir vivant de ce bourbier et certains chuchotent déjà qu’il faudrait abandonner les éclopés… À l’abri des murmures mutins, les enfants cachés dans les murs du manoir continuent de fuir leur quotidien en se contant des histoires. La dernière ombre les observe, elle les protège et, finira même par dévoiler ses secrets à la douce Natalia… Pourtant, si l’imaginaire permet de s’évader, l’échappée n’est que temporaire. Bientôt les conséquences de la peur, de la guerre et de la famine rattraperont toutes ces âmes que le hasard a rassemblé. Quand ces éléments sont convoqués, une seule chose sait les contenter : le sang. »
L’ombre de Guillermo del Toro planait au dessus du premier tome de « La Dernière Ombre », et c’est encore plus le cas dans ce nouveau volume, qui vient clôturer le récit. Les trahisons sont allées bon train, certains hommes souhaitant reprendre la route et d’autres ne voulant absolument pas quitter le manoir de la Baronne. Seulement voilà, bien que les soldats soient à l’abri du froid et que le Doc soigne les blessés, les provisions s’amenuisent. La famine guette les soldats, et certaines décisions radicales commencent à être envisagées. Et si les blessés étaient sacrifiés ? Pourquoi les nourrir, sachant pertinemment qu’ils ne s’en sortiront pas ? Une odeur de mutinerie se dégage de cette atmosphère plus que pesante. Si les adultes se déchirent, les enfants restent unis et se retrouvent tous les jours en cachette dans les murs. Des moments touchants, durant lesquels ils se racontent des histoires pour échapper à ce sinistre quotidien. Mais l’imaginaire a ses limites, et le danger est bel et bien présent. La dernière ombre est également dans les parages, observant les événements et protégeant les enfants. Mais qui est-elle ? Natalia va bientôt le découvrir, et nous également.
Ce deuxième et dernier tome est tout bonnement excellent, et propose une ambiance très forte. Visuellement, c’est du tout bon, que l’on parle des décors, des personnages et de leur représentation (rappelant, comme dit précédemment, Le Labyrinthe de Pan), ou de cette violence parfois sèche qui met en avant, comme bien souvent, la cruauté humaine. Mais si l’ensemble se veut sombre, l’espoir reste toujours permis grâce à la présence des enfants. La bande-dessinée de Denis-Pierre Filippi et Gaspard Yvan était parvenue à nous accrocher dès ses premières pages, et nous a embarqués jusqu’à son final sans jamais nous ennuyer, et non sans émotion. Une belle réussite !
Lageekroom